Au-delà des risques environnementaux et sanitaires qu'elle génère, des enjeux économiques et politiques qu'elle produit, que représente la pollution pour notre société ? Que révèle-t-elle de notre époque ? Pourquoi une telle inflation métaphorique de l'usage de ce mot, au point que l'on parle aujourd'hui non plus seulement de pollution environnementale, mais de « pollution mentale », de « pollution idéologique » ?

À travers une enquête menée auprès de différentes populations (salariés, riverains, militants...) concernées par la pollution liée aux usines d'incinération de déchets, l'étude d'une pollution particulière, la dioxine, révèle comment cette molécule est devenue l'emblème de différents malaises dans notre civilisation. En effet, si pour certains elle n'est guère qu'un risque à gérer, pour d'autres elle est le symptôme d'une rupture de l'humanité non seulement avec la nature, mais aussi et surtout avec elle-même, lorsque la pollution ne contamine plus seulement les espaces et les corps, mais l'esprit et ses valeurs.

En dénonçant les réductions réciproques et incompréhensions mutuelles des discours environnementalistes des professionnels et citoyens, experts et profanes, inquiets et insouciants, au sujet d'un phénomène qui ne peut se réduire à une menace strictement toxicologique, cette analyse anthropologique vise à affirmer l'intérêt du regard critique des sciences humaines sur un phénomène relevant a priori des sciences dites exactes.