La France n'est pas ingouvernable, comme il est beaucoup dit faussement ces temps-ci, elle est ingouvernée - si l'on me permet ce néologisme. Et elle est ingouvernée parce que la dilution de la souveraineté du pays dans le condominium européiste depuis Maastricht a privé la Nation de toute puissance. Le traité de 1992, obtenu de justesse malgré une immense propagande d'État, a retourné la souveraineté contre elle-même afin de décider souverainement de la fin de la souveraineté. Ce fut un suicide. En renonçant à sa souveraineté, la France a perdu la puissance, elle a gagné en décadence. Ce fut un contrat social invaginé. La Nation ne décide plus du destin d'un peuple, c'est une Commission non élue qui gouverne à sa place. L'État ne sert plus qu'à museler un peuple désormais de trop. Je ne crois pas à l'homme providentiel qui abolirait cette abolition. Mais je crois au peuple providentiel qui peut décider que le nihilisme ne passera pas par lui. Puissance et Décadence offre le mode d'emploi de cette résistance.
Les civilisations naissent, croissent, vivent, connaissent un temps de puissance, décroissent, chutent, tombent et disparaissent avant d'être remplacées par d'autres. Les plus lucides le savent, les plus intellectuellement encrassés le nient.
Notre civilisation judéo-chrétienne est en phase terminale. Il est politiquement sot et niais, sinon dangereux, de prétendre redonner de la santé et de la vitalité à un centenaire subclaquant. N'importe quel médecin promettant de remettre sur pied un vieillard cacochyme passerait illico pour un charlatan. Mais pour une civilisation, les vendeurs d'illusion font toujours florès.
Ce deuxième volume de La Nef des fous est le journal voltairien, au jour le jour, de cet inévitable naufrage. On y trouve tous les délires de notre fin de millénaire wokiste désireux de faire du passé table rase...
M.O.
Un manuel de résistance à l'intention des nouvelles générations. Que dire à des jeunes de vingt ans pour leur conduite dans ce monde qui part à la dérive ? La civilisation s'effondre, les valeurs s'inversent, la culture se rétrécit comme une peau de chagrin, les livres comptent moins que les écrans, l'école n'apprend plus à penser mais à obéir au politiquement correct, la famille explosée, décomposée, recomposée se retrouve souvent composée d'ayants droit égotistes et narcissiques.
De nouveaux repères surgissent, qui contredisent les anciens : le racisme revient sous forme de racialisme, la phallocratie sous prétexte de néo-féminisme, l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme, le fascisme sous des allures de progressisme, le nihilisme sous les atours de la modernité, l'antispécisme et le transhumanisme passent pour des humanismes alors que l'un et l'autre travaillent à la mort de l'homme, l'écologisme se pare des plumes anticapitalistes bien qu'il soit le navire amiral du capital - il y a de quoi perdre pied.
J'ai rédigé une série de lettres à cette jeune génération pour lui raconter les racines culturelles de notre époque : elles ont pour sujet la moraline, le néo-féminisme, le décolonialisme, l'islamo-gauchisme, l'antifascisme, la déresponsabilisation, la créolisation, l'antisémitisme, l'écologisme, l'art contemporain, le transhumanisme, l'antispécisme.
L'une d'elles explique en quoi consiste l'art d'être français : d'abord ne pas être dupe, ensuite porter haut l'héritage du libre examen de Montaigne, du rationalisme de Descartes, de l'hédonisme de Rabelais, de l'ironie de Voltaire, de l'esprit de finesse de Marivaux, de la politique de Hugo.
Sous la forme d'une éphéméride, et ce sur presque tous les jours de cette année 2020, je consigne chaque délire dont notre temps est capable.Dans ce journal se croisent une petite fille de huit ans qui veut changer de sexe depuis l'âge de quatre ans ; des égorgeurs présentés comme de pauvres victimes d'elles-mêmes ; une jeune fille qui ne va plus à l'école et prophétise la catastrophe climatologique dont le clergé de son pays nous dit qu'elle est le Christ ; des femmes qui vendent des enfants pendant que d'autres les achètent ; l'Église catholique qui court après les modes du politiquement correct ; le journal Libération qui se dit progressiste en célébrant la coprophagie et la zoophilie ; des végans qui militent contre les chiens d'aveugles ; une anthropologue qui trouve qu'il y a trop de dinosaures mâles et pas assez de femelles dans les musées ; des pédophiles qui achètent des viols d'enfants en direct sur le Net ; un Tour de France qui commence au Danemark et un Paris-Dakar ayant lieu en Amérique du Sud ; un parfum élaboré par une femme à partir des odeurs de son sexe ; un chef de l'État qui, entre autres sorties, se félicite que ses ministres soient des amateurs ; Le Monde qui estime courageuse une mise en scène théâtrale qui présente Lucien de Rubempré en femme ; le pape et Tariq Ramadan pour qui le coronavirus est une punition divine - et autres joyeusetés du même genre... Entre rire voltairien et rire jaune, cette Nef des fous est un genre de journal du Bas-Empire de notre civilisation qui s'effondre.M. O.
L'intérêt des philosophes romains c'est qu'on peut vivre selon leurs principes. Le poème de Lucrèce, De la nature des choses, se présente un immense traité existentiel perdu dans une encyclopédie du monde.
On peut vivre selon Lucrèce. Son poème est d'ailleurs une proposition existentielle faite à son dédicataire Memmius. Le philosophe propose en effet une conversion, autrement dit : une vie nouvelle faisant suite à l'ancienne qu'on abandonne après avoir compris ce qu'il y avait à comprendre, initié par un sage qui nous transmet son savoir. Ici : que le réel est matériel, qu'il n'est fait que d'atomes qui tombent dans le vide et de rien d'autre ; que cette physique de l'ici-bas dispense d'une métaphysique de l'au-delà ; que la religion est superstition et qu'il faut lui préférer la philosophie ; qu'il faut donner au corps ce qu'il demande dans la limite où ce qu'on lui donne ne l'asservit pas ; que l'amour est un remède à la passion ; que la sagesse est atteignable et qu'elle consiste en une arithmétique des plaisirs accompagnée par une diététique des désirs ; qu'il n'y a ni enfer ni paradis mais juste un monde immanent et tangible ; que la mort n'est pas à craindre puisqu'elle n'est qu'une modification de la matière et non sa suppression ; que le réel est tragique et que le savoir confère de la sérénité ; que le paradis existe sur terre pourvu qu'on le construise avec détermination. Ce livre pend donc la forme d'une série de neuf lettres comme autant d'invitations à une sculpture de soi. Cette éthique propose une esthétique de l'existence.
Un échange spirituel et intellectuel de haut niveau entre deux hommes que tout oppose apparemment sur le sujet.
Qui aurait pu penser que l'antisémitisme puisse aujourd'hui relever la tête ? Sous couvert de défendre de nouveaux damnés de la terre, une certaine gauche passée à l'ennemi réactive l'antique théorie du bouc émissaire et désigne les Juifs et Israël comme les causes de toute négativité. Un rabbin et un philosophe se proposent de penser, l'un à partir de son judaïsme, l'autre de sa chrétienté sans Dieu, ce qu'il en est de Dieu, de son existence ou non, de sa responsabilité ou non dans le mal, mais surtout la nécessité de l'herméneutique juive et de la symbolique chrétienne pour fonder et conduire un dialogue, qui semble devenir la chose du monde la moins partagée.
M.O.
Si " l'antisémitisme renaît de ses cendres - pardon !, de nos cendres " (Herbert Pagani), c'est peut-être en raison de l'assignation identitaire qui gagne. En eff et, pourquoi les Juifs, éternelles victimes expiatoires, échapperaient-ils à cette tentation mortifère de réduire l'autre à l'idée souvent fantasmée que l'on se fait de lui ? Là n'est pas le moindre des paradoxes d'un monde d'hypercommunication où l'on ne dialogue qu'avec celui qui nous ressemble. Pouvait-on imaginer un fossé plus large que celui qui sépare un croyant d'un athée, dépositaires de traditions de pensée si diff érentes ? Contre toute attente, un authentique échange s'est établi entre eux et s'est progressivement tissé autour d'un objet de questionnement, Dieu, qui semblait les vouer à ne jamais se rencontrer.
M.A.
Éric Naulleau et Michel Onfray sont deux hommes de gauche qu'une prétendue gauche n'aime pas. Ils ne souscrivent ni au marché qui fait la loi ni au fouet qui s'y substituerait.
Ils ne pensent pas que la gauche ait pour fonction de diluer la Nation dans une Europe libérale travaillant à l'Empire, ni que le wokisme, la cancel culture, l'islamo-gauchisme, la location d'utérus et la vente d'enfants constituent l'horizon indépassable de la gauche contemporaine.
L'un et l'autre ne font leur deuil ni du peuple old school, ni de l'École républicaine, ni du régalien, ni du service public, ni de l'intérêt général, ni des humanités, ni de la culture classique.
Leur échange exerce un droit d'inventaire pour ranimer un héritage dont Proudhon et Jaurès n'auraient pas à rougir. Un quelque chose qui se nomme socialisme et qui n'a rien à voir avec le marxisme.