Un jour sans fin. Serait-ce la phrase clef pour résumer l'histoire des Russes ? Le schisme, la guerre civile, les répressions, le dégel, la Perestroïka, les privatisations - tout bouleversement mène à une division, nette comme une lame de rasoir. En un seul instant, les gens se placent de part et d'autre des barricades. Ceux qui hier étaient frères, amis, parents ou amants deviennent ennemis de sang sans pardon, sans pitié. Voici l'histoire d'une famille banale. Ni riches, ni pauvres, ni beaux, ni laids, ils s'aiment comme ils peuvent, s'ennuient, mais pas plus que les autres. Puis quelque chose se passe dans cette ville de Moscou où ils vivent sans histoires. Les gens descendent dans la rue. Tandis qu'elle regarde la télévision, il manifeste et continue à réparer les fils électriques. Parce que même pendant la révolution il faut bien de la lumière... Mais ils s'éloignent de plus en plus, puis ils s'affrontent.

Vingt ans plus tard, c'est leur petit-fils qui se retrouve sur les barricades. L'histoire se répète...

Chargounov étudie cette maladie de la cyclicité russe à travers une famille moscovite moyenne. L'auteur est lui-même un exemple de cette cyclicité. Jeune homme charmant, favori des téléspectateurs, il devient l'ennemi des intellectuels moscovites après sa prise de position belliciste sur la crise ukrainienne. Aujourd'hui il est à nouveau l'ami du peuple parce qu'il s'oppose à la décision du maire de Moscou de raser des milliers d'immeubles construits à la hâte dans les années 1960, et qui menace un million d'habitants d'expropriation ou de relogement en dehors de Moscou. Son propre appartement a été, quant à lui, incendié par des inconnus.
Natalia Turine