La langue. Mal placé, déplacé
Olivier Rolin (Auteur)
Editeur(s) : Verdier
Dans un bistro désert d'une petite ville, deux personnages dialoguent : la serveuse, venue de la campagne, et un client de passage, qui semble être ce qu'on appelle un «intellectuel». Ils parlent «pour rien», ou plutôt : pour échapper à la monotonie, à l'ennui, à la tyrannie du stéréotype : calamités qu'ils éprouvent tous deux, mais évidemment pas de la même façon. Ce dialogue ne va donc pas de soi. Il se hasarde, c'est une histoire progressive de séduction/éducation mutuelles, l'invention d'une fantaisie commune par la liberté des mots. D'abord, de fréquentes incompréhensions l'interrompent. Dans le silence ouvert par ces crises de non-parole s'élève - si l'on peut dire - une «voix» bredouillante, grommeleuse, qui est probablement celle de la télévision, ou d'une radio. Mais il serait trop simple de la réduire à cela. Elle est plus généralement celle des nouveaux maîtres. Elle émet un magma de lieux communs, dans une langue faiblement articulée. Cette «voix» de personne, aussi éloignée de la langue «littéraire» que de la langue «populaire» (pour faire vite), enfin, des langues matérielles, nous ne l'entendons, ne la lisons que trop, il nous arrive même de l'utiliser. A la fin, elle s'«incarne» en une sorte d'ectoplasme. Parce que cette chose-là, en effet, ne cesse de se réaliser - sans jamais être personne.
Quelques-unes des idées mises en scène dans La Langue, il m'était arrivé de les exprimer, autrement formulées, dans une conférence : il n'a donc pas paru complètement incongru d'en publier le texte à la suite. Son titre, Mal placé, déplacé, sonne pour moi comme un programme, j'oserais presque dire, politique...
O.R.
* Sous réserve éditeur