Soixante ans de journalisme littéraire. Vol. 1. Les années Combat : 1945-1951

Soixante ans de journalisme littéraire. Vol. 1. Les années Combat : 1945-1951

Editeur(s) : M. Nadeau

Série(s) Soixante ans de journalisme littéraire

Dans les souvenirs et témoignages qu'il a donnés de son existence, Maurice Nadeau fait de cet engagement le tournant de sa vie, celui qui le fait passer de l'enseignement au journalisme, de l'action clandestine à la prise de position publique, de l'ombre à la lumière. Il faut comprendre ce que représente Combat à l'époque auprès des élites politiques et intellectuelles. La plupart des organes de presse d'Avant-guerre ont disparu ; beaucoup de maisons d'édition ont trempé dans la Collaboration. D'importants penseurs sont morts fusillés ou en déportation. D'autres se sont exilés : Breton, Chagall, Lévi-Strauss, Jacques Maritain, Jean Perrin.

Les principaux repères du paysage intellectuel antérieur ont disparu. Il faut donc tout refonder à partir de la Résistance et des rares institutions qui ont préservé leur intégrité morale. Refonder, mais aussi réparer les crimes des années précédentes, avec les dilemmes moraux que l'on connaît : punir oui, mais comment ? dans quelle proportion ? et sans confondre justice et règlement de comptes...

Le Comité National des Écrivains, relancé en 1943, en établissant sa « liste noire », institue le débat sur la responsabilité de l'écrivain dont la page littéraire de Combat, entièrement sous la responsabilité de Nadeau, va se faire largement l'écho. Le journal de Pascal Pia, dont la postérité a fait le journal de Camus - mais Nadeau s'est toujours employé à rappeler que si Camus en était la vitrine, Pia en représentait l'âme et l'ouvrier -, a été pendant quelques années la référence morale en matière de presse indépendante.
Tiphaine Samoyault
Extrait de la préface
Août 2018

L'apparition d'Aimé Césaire dans le ciel poétique d'après-guerre ne peut au mieux se comparer qu'à l'éclatement d'un astre dont nous ne percevons pas encore la lumière. Michaux, Prévert, Péret, Breton, étoiles fixes que la nuit de l'Occupation a rendues plus brillantes, scintillent aujourd'hui à ciel ouvert. Les astronomes de la critique ont levé leurs coordonnées, prévu leur ellipse, évalué leur maximum de luminosité et décelé déjà leurs satellites ; Césaire est un astre fou et vagabond dont l'incandescence n'est encore qu'au rouge sombre et doit parcourir quelques degrés du spectre avant de briller à l'égal de l'ultra-violet éluardien...
(« Aimé Césaire surréaliste »,
La Revue internationale, novembre 1946)

Comment parler d'Henry Miller ? Où le ranger dans nos classifications, que restera-t-il de lui après nos analyses, et faut-il que la critique soit toujours cette radoteuse qui ne peut dire oui sans ajouter mais, et prôner une affirmation sans la faire suivre d'un si ou d'un toutefois ? Miller est un de ces hommes qu'on accepte ou qu'on rejette en bloc. Il suscite l'admiration ou le dégoût, sans restrictions. Et qu'on ne vienne pas embrouiller la question avec les sempiternelles considérations morales. C'est un nihiliste, un maniaque sexuel et un débauché, un schizophrène et un mégalomane. Tout ce que vous voudrez. C'est aussi un homme qui se tient fermement sur ses deux pieds, qui écrit : « Le corps est le fondement, l'impérissable », et mène d'une main ferme ses hallucinations parmi le dédale des plus beaux délires verbaux. Ce débauché écrit : « Je porte un ange en filigrane », ce mégalomane qui n'a jamais tenté d'être Dieu s'est efforcé d'être l'homme qu'il est. Lui et ses livres, c'est tout un, et que nous importe que certaines de ses aventures soient imaginaires ?
(« L'oeuvre pathétique de Miller »,
Combat, mars 1946)

« Tout homme qui écrit, même pour ne rien dire et pourvu qu'il ne veuille pas seulement divertir, aspire à cette nappe de silence où les mots sont inutiles, où les choses et les êtres existent pour eux-mêmes. Tout homme qui lit est avide de se voir sous les couleurs de l'éternité. Auteur et lecteur vont à la rencontre l'un de l'autre dans la même recherche d'une grâce active où, autour de l'humanité en nous surmontée, de la mort vaincue, de l'instant éternellement fixé, s'ordonnent la vie, les humains, le monde, enfin pourvus de signification. » Maurice Nadeau

Ce premier tome, préfacé par Tiphaine Samoyault, rassemble l'intégralité des textes littéraires de Maurice Nadeau parus de 1945 à fin 1951 dans le journal Combat de Pascal Pia et Albert Camus, La Revue internationale de Pierre Naville, l'hebdomadaire Gavroche et la revue du Mercure de France.

Soixante ans de journalisme littéraire relate un itinéraire hors du commun où édition, journalisme littéraire et batailles d'idées sont étroitement mêlés pour définir en creux une personnalité. Les années Combat c'est Sade, Gide, Léautaud, Artaud, Giono, Malraux, Céline, Cendrars, Sartre, Camus, Miller, Queneau, Blanchot, Genet, Cioran, Beckett, Barthes, Bataille, Char ou Michaux. Plus qu'un recueil, c'est la première étape de l'évolution du monde littéraire qui s'affiche au lendemain de la Libération.

Un tome II sera prochainement consacré aux années de la revue Les Lettres Nouvelles (1952-1965) incluant les articles publiés dans France Observateur et L'Express. Le tome III couvrira les années de La Quinzaine littéraire (1966-2013).

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* Sous réserve éditeur
39,00 €
Ean : 9782862312620
Date de parution : 21 novembre 2018
Format et Reliure : Livre
Pages : 1471