Superstition : l'anthropologie du religieux en terre de chrétienté

Superstition : l'anthropologie du religieux en terre de chrétienté

Serge Margel (Auteur)

Editeur(s) : Galilée

Collection(s) : La philosophie en effet

Soumettre d'abord l'analyse du philosophique à la rigueur de la preuve, aux chaînes de la conséquence, aux contraintes internes du système : articuler, premier signe de pertinence, en effet. Ne plus méconnaître ce que la philosophie voulait laisser tomber ou réduire, sous le nom d'effets, à son dehors ou à son dessous (effets « formels » - « vêtements » ou « voiles » du discours - « institutionnels », « politiques », « pulsionnels », etc.) : en opérant autrement, sans elle ou contre elle, interpréter la philosophie en effet.
Déterminer la spécificité de l'aprèscoup philosophique -le retard, la répétition, la représentation, la réaction, la réflexion qui rapportent la philosophie à ce qu'elle entend néanmoins nommer, constituer, s'approprier comme ses propres objets (autres « discours », « savoirs », « pratiques », « histoires », etc.) assignés à résidence régionale : délimiter la philosophie en effet.
Ne plus prétendre à la neutralité transparente et arbitrale, tenir compte de l'efficace philosophique, et de ses armes, instruments et stratagèmes, intervenir de façon pratique et critique : faire travailler la philosophie en effet.
L'effet en question ne se laisse donc plus dominer ici par ce que la philosophie arraisonne sous ce nom : produit simplement second d'une cause première ou dernière, apparence dérivée ou inconsistante d'une essence. Il n'y a plus, soumis d'avance à la décision philosophique, un sens, voire une polysémie de l'effet.

Comment repenser aujourd'hui l'histoire de l'Occident chrétien en considérant côte à côte le discours apologétique de la vera religiv et le discours anthropologique des sciences humaines ? Autrement dit, comment penser la possibilité d'une anthropologie religieuse du christianisme ?

À vrai dire, cette question est double. D'un côté, quel est le statut du religieux dans nos sociétés contemporaines ? De l'autre, quel est le destin du christianisme en modernité ? En somme, il s'agirait de questionner le rôle du christianisme dans la définition moderne du phénomène religieux, donc dans le discours des sciences humaines. Dans quelle mesure, en se retirant progressivement de la société, le christianisme a-t-il pu en même temps révéler les fondements politiques du phénomène religieux et permettre l'accomplissement d'une autonomie politique, une démocratie d'État, libre de toute autorité religieuse ? L'hypothèse générale serait la suivante : d'une part, l'institution chrétienne, en modernité, se retire de la société de la même manière que le christianisme naissant s'est démarqué des autres religions, juive et païenne. C'est une seule et même logique institutionnelle qui se joue ici. Une logique de la séparation, qui à la fois distingue le religieux du politique, et analyse, critique, voire déconstruit les déterminations « subjectives », individuelles et collectives, de toute institution sociale. Et, d'autre part, cette logique se fonde sur une opposition radicale entre religion et superstition, entre un culte intérieur, « en esprit », une relation à Dieu instaurée par Dieu lui-même, et un faux culte offert aux démons, une idolâtrie. Toute institution sociale et humaine devenant par là même une forme de superstition, une falsification, un péril, un danger, qui menace les fondements de toute autorité.

L'histoire de l'Occident chrétien pourrait alors se penser comme une longue histoire de la superstition. C'est non seulement en termes de superstition que toute religion aura défini la « religion de l'autre », mais c'est surtout en ces termes que le discours apologétique du christianisme (où la religion s'oppose à la superstition, comme une institution divine s'oppose aux institutions sociales) s'est déplacé en discours anthropologique des sciences humaines (où la religion et la superstition proviennent des mêmes sources subjectives). Décrire ce déplacement du discours, des premiers Pères de l'Église aux représentants majeurs de la modernité, c'est non seulement définir une nouvelle configuration entre politique et religion, dans nos sociétés contemporaines, mais c'est encore et surtout s'interroger sur les nouveaux phénomènes religieux que produisent ces sociétés. Phénomènes plus du tout religieux et plus religieux que jamais, au seuil des frontières entre la religion et la superstition.

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Ean : 9782718606651
Date de parution : 17 février 2005
Format et Reliure : Livre
Pages : 169