Le corps revient : contre le lyrisme
Maria Stepanova (Auteur)
Editeur(s) : Nouvelles éditions Place
Pour Maria Stepanova, « la poésie, ce sont des nouvelles envoyées de l'avenir, elle s'écrit par anticipation », elle vient par surprise. Ce ne sont ni l'idée ni l'affect qui renouvellent le monde, mais bien le corps et les choses, saisis dans leur potentiel de résurrection. Stepanova écrit à la fois « contre le lyrisme » et contre l'ici et maintenant ; pour advenir, cette poésie « au futur », à la fois directe et complexe, doit passer par l'expérience de la terre où sont couchés les morts.
Morte comme tant d'autres, vivante on ne sait pourquoi, Elle fond - comme un bonbon derrière la joue froide de l'argile,
le vingt-deux juin
à quatre heures pile
je n'écouterai plus rien
je fermerai tous mes yeux
dans le métro visages soudain illuminés
ampoules sur leur fil noir pendant l'orage
qu'elle vienne et dise quelque chose
(et nous t'écouterons)
elle ne vient pas
ça ne lui vient pas
à bien faire le point
il a été dit ceci :
elle n'est pas capable de parler pour elle-même,
c'est pourquoi d 'autres toujours la dirigent
d'où dans son histoire toutes ces répétitions
et la falsification de formes anciennes
et d'où viennent ses citations, va comprendre
de l'année trente ou l'an soixante-dix,
parce qu'elle cite tout simultanément
et pas pour remémorer, mais pour remplir les trous
(oui, cela fait très peur)