Auteur d'une quinzaine de romans traduits dans le monde entier, lauréat de prestigieux prix littéraires, conscience intellectuelle et fervent défenseur de la paix au Moyen-Orient, Amos Oz (1939-2018) est incontestablement une voix majeure de la littérature israélienne contemporaine. Servis par une langue empreinte de poésie, ses récits dépeignent les douleurs et les traumas de l'individu et de la famille, sondent les abysses de l'âme et de la nature humaines, avec pour toile de fond l'histoire d'Israël et celle d'un peuple vivant entre guerre et paix, entre ombre et lumière.Conçu avec l'écrivain avant sa disparition comme une traversée de son oeuvre, reprenant un choix de romans et de nouvelles publiés entre 1965 et 2014, ce volume «Quarto» se clôt par un ensemble de conférences qui constituent son «testament» politique et moral. Éclairée par les contributions de son ami et traducteur anglais, Nicholas de Lange, de sa fille, l'historienne de renom Fania Oz-Salzberger, et de l'autrice Zeruya Shalev, cette édition invite le lecteur à découvrir le regard qu'Amos Oz posait sur le monde, sur son monde - celui de la Jérusalem divisée de son enfance, ville labyrinthique cernée de menaces sourdes, celui du kibboutz, théâtre de tensions entre l'homme solitaire et la collectivité, celui de l'engagement politique. Ponctuée de documents personnels inédits, elle donne à lire les écrits d'«un conteur de grand talent et d'un magicien de la langue hébraïque», qui espérait «un avenir meilleur et oeuvrait en ce sens».Visuel de couverture, légende intégrale:Jérusalem, Tavalina Rinat Kishony, 2020. Acrylique sur toile, www.tavalina.com. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.
Héritée d'une tradition païenne antique, ancrée dans l'opposition et la résistance des Bretons à l'envahisseur germanique, chantée par les bardes dans un dialecte celtique, la légende arthurienne prend corps au IX? siècle, en terre galloise, dans les récits en latin et en prose. C'est à partir de 1130 que l'histoire légendaire de ce roi vaillant et brave, chef charismatique et incontesté, personnage fabuleux et victorieux, connaît un écho retentissant auprès du public, à travers toute l'Europe, grâce à l'ambitieuse chronique du clerc anglais Geoffroi de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne. À sa suite, en particulier sous l'impulsion de Chrétien de Troyes, le roman arthurien s'enrichit de nombreux épisodes des aventures du roi et de ses compagnons chevaliers:exploits prodigieux, conquêtes amoureuses, quête du saint Graal...À la lumière de l'histoire culturelle, sociale et politique du Moyen Âge et de ses images (enluminures, sceaux, armoiries...), cette édition propose de mieux comprendre la transformation de la matière dite de Bretagne en l'une des plus grandes légendes de tous les temps.Cycle sans égal inscrit au patrimoine littéraire mondial, la légende arthurienne n'a cessé de nourrir toutes les formes de la création - des récits de Chrétien de Troyes aux opéras de Wagner, aux beautés préraphaélites, jusqu'au nonsense des Monty Python... - et de hanter notre imaginaire.
Romancier inclassable, essayiste érudit et curieux, lecteur passionné, analyste pointilleux de la société britannique, critique d'art attentif, formidable conteur d'histoires imaginaires, lexicographe en quête du mot juste, Julian Barnes a créé, en explorant de nouvelles formes littéraires et en renouvelant les traditions, une oeuvre riche et variée, emblématique d'une génération de grands écrivains britanniques.Ont été ici retenus cinq romans majeurs, marqués par des tonalités distinctes, publiés entre 1984 et 2018. Roman insolite, mêlant une expérimentation formelle à des jeux intertextuels, Le Perroquet de Flaubert brosse un portrait composite de l'ermite de Croisset. England, England (1998) emprunte les voies de la satire et de la dérision grinçante pour dresser un tableau dégradé de l'Angleterre et de son histoire, ou le simulacre l'emporte sur l'original, où l'ultra-libéralisme et le tourisme de masse triomphent. Le roman historique Arthur & George (2005) interroge quant à lui la notion d'identité nationale dans une Angleterre édouardienne rongée par les préjugés et un racisme latent, ou la rumeur publique parvient à construire un fantasme collectif de culpabitité. Enfin, Une fille, qui danse et La Seule Histoire, parus dans les années 2010, mettent en scène des personnages qui portent un regard rétrospectif sur leur vie, et participent d'une écriture plus intimiste, réflexive et mélancolique.Labyrinthe à plusieurs entrées que cette édition Quarto propose d'explorer, l'oeuvre de Barnes donne à voir de multiptes dimensions du réel et de l'imaginaire sous des formes innovantes qui prennent acte des traditions littéraires mais qui savent aussi s'en éloigner, pour mieux ré-enchanter la littérature.
Comme il l'avait confié à Jaime Sabartés en 1939, Pablo Picasso avait rêvé d'un livre qui «serait le reflet le plus exact de sa personnalité et son portrait le plus fidèle. On y verrait exprimé le désordre qui lui est propre. Chaque page serait un vrai pot-pourri sans la moindre trace d'arrangement ou de composition. [...] Simplicité et complexité s'allieraient comme dans ses tableaux, ses dessins ou ses textes, comme dans une pièce de son appartement ou de son atelier, comme en lui-même».Dans le prolongement de ce désir, la présente édition donne à lire l'ensemble des écrits de Picasso publiés en 1989, auxquels s'adjoignent un grand nombre d'inédits découverts dans l'ancienne collection de Dora Maar, dans des collections privées et celles des musées Picasso (Paris, Barcelone). Composés au crayon noir, en couleurs, à l'encre de Chine, au stylo-bille ou encore au crayon-feutre, ces textes ornent papier à dessin, à lettres, dos d'enveloppe, cartons d'invitation, morceaux de papier journal... Certains sont même gravés, enluminés, lithographiés ou peints, ainsi élevés au rang d'oeuvre d'art.La fascination que continue d'exercer Picasso sur le public rend plus que jamais nécessaire la lecture de ces écrits, souvent méconnus et pourtant indispensables à l'appréhension et à la compréhension de son oeuvre. Cette édition bénéficie des derniers apports de la recherche en cours dans un volume en couleurs, richement illustré d'oeuvres et de manuscrits, et, à la manière d'un parcours muséal, elle permet de s'immerger au coeur du processus créatif de l'un des plus grands artistes du XX? siècle.
«La Légende de Duluoz compte à présent 7 volumes, quand j'aurai terminé, dans environ dix, quinze ans, elle couvrira toutes les années de ma vie, comme Proust, mais au pas de course, un Proust qui court... Je vois à présent la Cathédrale de la Forme que cela représente, et je suis tellement content d'avoir appris tout seul (avec un peu d'aide de messieurs Joyce & Faulkner) à écrire la PROSE SPONTANÉE, de sorte que, même si la LÉGENDE court pour finir sur des millions de mots, ils seront tous spontanés et donc purs et donc intéressants et en même temps, ce qui me réjouit le plus:RYTHMIQUES...»Jack Kerouac, Lettre à Malcolm Cowley, 11 septembre 1955.
«Ce sera un essai-roman [...]. Il devra tout englober, sexualité, éducation, manière de vivre, de 1880 à nos jours; et mettre à franchir les années toute l'agilité et la vigueur du chamois qui bondit par-dessus les précipices. C'est l'idée générale, en tout cas, et cela m'a plongée dans un tel brouillard, une telle ivresse, un tel rêve que, déclamant des phrases, et voyant des scènes alors que je remonte Southampton Row, je me demande si j'ai tant soit peu vécu sur terre depuis le 10 octobre. Comme pour Orlando, tout se précipite de soi-même dans le courant.» Journal 1915-1941, 2 novembre 1932, à propos des Années.
Auteur de célèbres romans d'anticipation (La Machine à explorer le temps, La Guerre des mondes, L'Île du docteur Moreau...), voix dominante de son temps, l'écrivain britannique H. G. Wells (1866-1946) a porté tout au long de sa carrière un regard acéré sur le monde d'alors. Au coeur d'une oeuvre foisonnante dominée par ses spectaculaires scientific romances, l'amour occupe une place insoupçonnée.Biologiste de formation, Wells étonne en décryptant les emballements du coeur et du corps, contre une société qu'il juge corsetée, gouvernée par des conventions, contre le mariage. Pleines d'humour, ses fictions empreintes d'une virulente critique sociale, donnent à lire un auteur qui, inspiré de ses propres extravagances sentimentales et sexuelles, se rit des couples mal assortis, applaudit à l'aventure et s'intéresse à l'émancipation féminine. Pour lui, aimer n'est pas un engagement, c'est un acte de liberté.Cette édition Quarto propose de découvrir ce continent inconnu de l'oeuvre de Wells, au travers d'un choix de nouvelles et de romans - comiques, politiques, fantastiques ou d'inspiration autobiographique. En appendice, des extraits inédits d'un Post-scriptum à sa Tentative d'autobiographie, sorte de confession d'un amoureux fluctuant, font écho aux textes de fiction et brossent le portrait d'un homme complexe, en quête d'un idéal qui s'esquive, en quête de son «Ombre-Amoureuse».
Ce volume parcourt cinquante années de l'histoire américaine, de l'avant-guerre aux années 1980, au sein de la communauté juive de Newark, une banlieue new-yorkaise. Une histoire parfois reconsidérée que le romancier se réapproprie sans souci de chronologie:l'Amérique de Philip Roth. Partant du mouvement de la contre-culture des années 1960 en lutte contre la guerre du Viêtnam (Pastorale américaine), il revient sur la guerre froide et la croisade anticommuniste des années 1950 (J'ai épousé un communiste), passe par le politiquement correct des années 1970-1980 (La tache), et se «projette» dans d'hypothétiques années 1940 (Le complot contre l'Amérique), où le fascisme et l'antisémitisme gagnent les États-Unis. En contrepoint d'une sévère critique de la société américaine, Philip Roth tisse une fine analyse des mécanismes de l'homme pris au piège de l'imprévisible. Confrontés à de grands bouleversements, des destins se brisent soudain sous l'effondrement des illusions, des secrets, des certitudes sur lesquels reposaient des vies idéales, prototypes du rêve américain. Quatre oeuvres sur l'identité de l'individu pris dans la tyrannie des mythes américains. Quatre oeuvres sur «le bel avenir américain qui semblait promis, celui qui devait naître en toute logique du solide passé américain, issu d'un processus sans rupture où chaque génération gagnait en intelligence, parce qu'elle connaissait les limites et l'inadéquation des aînés, dont elle savait dépasser l'étroitesse d'esprit pour jouir pleinement des droits conférés par l'Amérique, pour s'affranchir des habitudes et des attitudes juives, pour s'émanciper de l'insécurité du vieux monde et des vieilles obsessions, et, enfin conforme à l'idéal, vivre parmi ses pairs, sans complexes» (Pastorale américaine).
«Seule l'action est la prérogative de l'homme exclusivement; ni bête ni dieu n'en est capable, elle seule dépend entièrement de la constante présence d'autrui:c'est ainsi que, dans les premières pages de Condition de l'homme moderne, Hannah Arendt répond à sa manière à la question qu'est-ce que l'homme? dans un livre qui présente sans doute la synthèse la plus complète de sa pensée qu'elle ait donnée de son vivant. Les ouvrages réunis dans ce volume sont tous consacrés à ce problème de l'action, dont ils élucident à la fois la signification philosophique et les implications plus directement politiques. Publiés entre 1958 (Condition de l'homme moderne) et 1972 (Du mensonge à la violence), ils sont donc postérieurs au premier grand livre de Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme (1951), dont ils donnent en quelque sorte le contrepoint; Hannah Arendt y montre ce qui, dans l'humaine condition, peut toujours être source de résistance contre tous les processus de destruction dont le totalitarisme moderne a représenté une forme paroxystique mais dont certains traits se retrouvent dans toutes les sociétés modernes. Tous ces ouvrages s'appuient sur un travail considérable d'élucidation philosophique, dont on peut mesurer l'ampleur en lisant le Journal de pensée mais, contrairement aux grands livres posthumes, ils sont centrés sur les questions pratiques, même lorsqu'ils proposent une interprétation d'ensemble de constructions théoriques aussi considérables que la science moderne ou la philosophie de l'histoire.»
Le chef-d'oeuvre de Melville (1819-1891) comme on ne l'a jamais lu dans l'édition française:un Moby-Dick conté à deux voix par le texte et l'image. Par Melville, bien sûr, et par l'artiste américain Rockwell Kent (1882-1971) qui a illustré une édition du roman en 1930. Dans le choix que nous donnons de ses somptueuses gravures au trait, célèbres aux États-Unis, peu connues en France, les personnages, les lieux, les scènes prennent vie avec leur charge de poésie et de mystère. On peut parier que John Huston s'en est inspiré en 1956 pour son adaptation au cinéma. Philippe Jaworski invite le lecteur à lire ce texte comme une épopée du travail soutenue par trois forces majeures:l'équipage du Pequod, véritable navire-monde; le capitaine Achab, personnage forgé d'après les modèles bibliques, les héros shakespeariens, Prométhée, Lucifer et Faust, et la voix d'Ismaël. chroniqueur, metteur en scène et commentateur de la chasse quasi mystique d'Achab. Autant de pistes de réflexion qui permettent d'entrer dans l'imagination mythographique de Melville. On retrouvera toute la sauvagerie de la chasse décrite par Melville, dans une campagne de pêche de la baleine, amplement illustrée de gravures anciennes et de photographies, dont les images sont mises en miroir d'extraits de Moby-Dick. Livre culte par excellence, Moby-Dick n'a cessé de nourrir et d'inspirer la littérature et les arts. Retraçant l'histoire des origines, de la composition et de la postérité du roman, on suivra, dans une quarantaine d'extraits de textes de Job et Jonas à Pierre Senges (en passant par Rabelais, Lawrence, Pavese, Sartre, Blanchot, Gadenne, Auden, Perec, Deleuze... ) le fascinant et redoutable monstre marin dans ses surgissements et ses représentations, les commentaires qu'il a suscités et les harponnages littéraires qu'il a inspirés.
«J'ai mis tout mon génie dans ma vie; je n'ai mis que mon talent dans mon oeuvre.» L'art ou la vie? Oscar Wilde (1854-1900) - pour qui écrire c'est peindre, sculpter - hésita tout au long de son existence entre les deux, entremêlant l'un et l'autre au point que sa personnalité est, aujourd'hui encore. presque aussi connue que son oeuvre. La présente édition propose au lecteur de plonger au coeur de l'oeuvre d'Oscar Wilde - des contes, histoires et nouvelles qu'il écrit et publie jusqu'au grand roman Le Portrait de Dorian Gray, version moderne du mythe de Faust. Car le «professeur d'esthétique cultivant une indolence affectée», comme il aimait à se présenter à ses débuts, a laissé une place grandissante à partir de 1887 au conteur talentueux. Car Wilde, qui «pense en contes», n'a en effet jamais cessé de raconter. En Appendice au volume, s'ajoute Le Chant du cygne, une collection de «contes parlés» tels qu'ils sont restés dans la mémoire d'un auditoire conquis, comme autant d'illustrations parfaites du génie de l'écrivain irlandais. En donnant à lire les lettres que Wilde adresse à ses proches, aux journaux, à ses détracteurs, à son amant (dans son célèbre De profundis), cette édition Quarto permet également de porter un regard à la fois plus personnel et plus intime sur les aspirations de l'auteur, et de constater à quel point son oeuvre et sa vie sont irradiées par une même et seule démarche, celle de l'esthétisme.
Depuis cinquante ans, Peter Handke bâtit une «oeuvre influente qui explore les périphéries et la spécificité de l'expérience humaine». Embrassant toutes les formes de la littérature, elle présente comme constante une fidélité à ce qu'il est, c'est-à-dire un homme de lettres, un promeneur dont la création ne peut prendre forme que grâce à la distance propice, paradoxalement, à une plongée dans l'intériorité des personnages, à la description imagée et vivante de la nature, à l'attention au quotidien.Pierre angulaire du patrimoine littéraire d'Europe centrale, servie par un style tranchant et unique, cette écriture se définit par le besoin de raconter - faux départs, difficiles retours, voyages, etc. - la recherche d'une propre histoire, de la propre biographie de l'auteur qui se fond dans ses livres:«Longtemps, la littérature a été pour moi le moyen, si ce n'est d'y voir clair en moi, d'y voir tout de même plus clair. Elle m'a aidé à reconnaître que j'étais là, que j'étais au monde.»Cette édition Quarto propose au lecteur de suivre le cheminement de l'écrivain à travers un choix qui comprend des récits qui l'ont porté sur le devant de la scène littéraire dans les années 1970-1980 comme d'autres textes, plus contemporains, imprégnés des paysages d'Île-de-France, et reflets de son écriture aujourd'hui. Et, le temps d'une lecture, de trouver refuge dans l'une de ses cabanes.
Incarnation à la fois de l'effervescence de la Renaissance et de l'archétype du génie universel, Léonard de Vinci (1452-1519), autodidacte, s'est forgé une culture humaniste fondée sur les savoirs antiques et médiévaux qu'il recompose et à partir desquels il innove. Au-delà de la carrière exceptionnelle qu'il a connue, grâce à son statut d'artiste de cour et d'ingénieur, il continue, aujourd'hui encore, à fasciner les esprits. Conservés à Paris, Londres, Milan ou encore Windsor, une vingtaine de manuscrits et carnets livrent, dans une écriture en miroir, des milliers de pages de notes, d'esquisses et de croquis, de réflexions et de traités. Toutes révèlent l'immensité des connaissances, des préoccupations et des interrogations scientifiques de l'homme. De Florence à Amboise, toute sa vie durant, Léonard griffonne, note, étudie, dissèque, analyse, fait des calculs:foisonnent et s'enchaînent, entremêlées de figures géométriques, d'études mécaniques ou anatomiques, de projets d'architecture, d'armes ou encore de machines volantes concurrençant le vol des oiseaux... , des pensées aux allures parfois mystérieuses, des raisonnements qui aboutissent à des démonstrations et à l'ébauche de maquettes, dont émerge l'intelligence créative de Léonard. À l'occasion du 500? anniversaire de sa mort, cette édition Quarto propose au lecteur de redécouvrir, dans un volume richement illustré en couleurs, la seule traduction aujourd'hui disponible en français des écrits léonardiens, mise à jour au regard des progrès réalisés depuis sa première publication en 1942, et de se plonger dans les méandres de cet esprit hors du commun.
S'immerger dans l'oeuvre de Rabindranath Tagore (1861-1941), c'est accepter une invitation personnalisée pour un voyage intérieur et sentir la nature exaltée d'un artiste altruiste. Pas toujours en phase ni avec son époque ni avec ses contemporains, cet intellectuel aux multiples talents (compositeur, chanteur, poète, romancier, dramaturge, acteur, essayiste, peintre), premier non-occidental à recevoir le prix Nobel de littérature (1913), était doté d'une extraordinaire clairvoyance:l'élévation des peuples ne pourra se faire qu'au travers du développement de la connaissance et de l'art et d'une éducation en osmose avec la Nature. Tourné vers l'avenir et la jeunesse, Tagore, artiste universel et pédagogue réputé, incarnait la «Grande Sentinelle» de l'Inde. Lui, contemporain du Mahatma Gandhi et de Subhas Chandra Bose, révélation pour W. B. Yeats et André Gide, source d'inspiration pour Jawaharlal Nehru et Romain Rolland, ou compositeur de deux hymnes nationaux, de l'Inde et du Bangladesh, qui était-il vraiment? La présente édition propose au lecteur d'explorer l'oeuvre magistrale de Tagore, en offrant à lire un choix de textes convoquant les différents talents de l'auteur (littéraire, philosophique, politique ou artistique) et en replaçant l'ensemble dans son contexte historique et culturel unique, celui d'une Inde en plein éveil indépendantiste.
Les histoires de Julio Cortazar s'inscrivent dans une grande tradition classique de la littérature fantastique. Mais chez lui, contrairement à ses prédécesseurs, pas de fantômes, pas d'ambiguïté:les histoires les plus élaborées ne tendent pas vers l'abstraction, elles gardent - et c'est leur mystère - la vitalité du quotidien. Cortazar s'inscrit aussi dans la tradition surréaliste du «merveilleux quotidien», du mystère de la réalité qu'il est réservé au poète de percer derrière les apparences, dans un état de rêve éveillé ou de transe. Il est ce voyant qui extrait l'insolite de la banalité, l'absurde de la logique, le prodigieux de l'ordinaire. L'extrême dépouillement du style ne peut qu'ajouter à l'illusion de la facilité. Ces histoires si simples à lire atteignent un sommet de la sophistication:l'alliance imprévisible du jeu, de la folie, de la poésie et de l'humour.
Lorsqu'il achève la publication en feuilleton, en novembre 1837, des Papiers posthumes du Pickwick Club, Charles Dickens (1812-1870) - âgé de vingt-cinq ans et connu sous le pseudonyme de Boz - est au seuil d'une gloire et d'un succès dont il ne se départira jamais plus. En lançant sur les routes de la campagne anglaise un duo donquichottesque composé d'un homme d'affaires à la retraite bedonnant et chauve et de son valet cockney, flanqué d'une troupe fantasque, Dickens réinvente le genre picaresque, célébrant avec nostalgie les coaching days, les beaux jours de la route, des diligences, des auberges et des relais de poste. Par son génie comique, ses joyeux épisodes de farce et de burlesque, ses dialogues truculents et sa tendre ironie à l'endroit des personnages, le texte charme rapidement les lecteurs qui se délectent du vibrant hommage rendu à la beauté idyllique et pastorale du pays anglais - antidote salutaire aux affres de l'ère industrielle et de la modernité. Annonciateur des romans de la maturité, Les Papiers posthumes du Pickwick Club jette à la fois les bases de l'oeuvre littéraire mais aussi celles de l'action réformatrice politique et sociale de son auteur. Chef-d'oeuvre d'humour et classique incontournable, le texte est ici présenté, comme dans les éditions du XIX? siècle, avec les gravures de Hablot K. Browne, dit Phiz, illustrateur et comparse indissociable de Boz. La présente édition propose de découvrir la vie du jeune Dickens, de parcourir l'histoire éditoriale de ce qui fut l'un des plus grands succès de librairie du siècle, dans une Angleterre victorienne en pleine mutation sociale et culturelle, où le divertissement est une affaire sérieuse, où l'art de rire n'est pas l'apanage des puissants.
Ce grand massif d'écriture, qui a longtemps récapitulé l'histoire de la Grèce et de Rome, nous est restitué ici dans une nouvelle traduction qui lui donne un ton résolument neuf et en un seul volume, suffisamment autonome - grâce à ses notes en bas de page, à son «dictionnaire Plutarque», à ses cartes - pour qu'on puisse le lire sans avoir toute une bibliothèque à portée de main. Ces 48 Vies sont autant de «portraits d'une âme», de romans brefs dont les héros sont confrontés à la Fortune et à la mort:Thésée, Périclès, Alcibiade, Alexandre, Démosthène mais aussi Romulus, Coriolan, César, Antoine (et Cléopâtre)... Le coup de génie de Plutarque, ce Grec natif de Chéronée qui étudia à Athènes et séjourna à Rome, aura été de les réunir en des parallèles appariant un Grec et un Romain, vérifiant que les uns et les autres reconnaissent les mêmes valeurs et partagent un même passé, qui sont aussi les nôtres. «Plutarque, écrit François Hartog, fait partie de nos bagages:l'abandonner en route serait renoncer à toute une part de la compréhension de l'histoire intellectuelle occidentale, en son sens le plus large.»
«Si, je suis constamment choqué. Lisez donc mes livres, c'est un amoncellement de millions de chocs. C'est un alignement non seulement de phrases, mais d'impressions de choc. Un livre doit être aussi un choc, un choc qui n'est pas visible de l'extérieur», profère Thomas Bernhard dans un entretien de 1986, auquel il donne pour titre:L'origine, c'est moi-même. Il délivre du même coup au lecteur de cet ensemble de récits, réunis ici autour des cinq livres autobiographiques, le trousseau de clés qui, de choc en choc, d'effroi en effroi, d'enfer en enfer, ouvre la boîte de Pandore de cet écrivain pourtant tout d'une pièce:l'imprécateur et l'ermite, le suicidaire passionné de vivre, le poitrinaire aux prises avec son souffle qui se veut chanteur d'opéra, le furioso que jamais ne quittent sa colère, sa véhémence.
«Mr. Greenleaf accourait vers elle, brandissant son fusil, et elle le vit venir à elle, bien qu'elle ne regardât pas dans sa direction. Elle le vit s'approcher en longeant la lisière d'un cercle invisible, et la ligne d'arbres était béante derrière lui, et ses pieds ne foulaient que le vide. Il visa l'oeil de la bête et fit feu quatre fois. Elle n'entendit pas les détonations, mais elle perçut le tremblement de l'énorme corps alors que le taureau s'affaissait et l'entraînait dans sa chute, rivée à sa tête au point qu'elle semblait, lorsque Mr. Greeleaf fut près d'elle, se pencher sur l'oreille de l'animal et lui chuchoter une ultime révélation.» Mon mal vient de plus loin.
La Mer de la fertilité, testament littéraire de Mishima, réunit quatre romans qui couvrent l'histoire du Japon de 1912 à 1970, sur quatre générations:Neige de printemps, Chevaux échappés, Le temple de l'Aube et L'Ange en décomposition.«Et pouvez-vous dire avec certitude que, tous les deux, nous nous sommes déjà rencontrés?- Je suis venu ici il y a soixante ans.- La mémoire est comme un miroir fantôme. Il arrive qu'elle montre des choses trop lointaines pour qu'on les voie, et elle les montre parfois comme si elles étaient présentes.- Mais si, dès le commencement, il n'y avait pas Kiyoaki... Honda tâtonnait à travers un brouillard. Cet entretien ici, avec l'abbesse, semblait à moitié un rêve. Il parlait à haute voix, comme pour recouvrer le moi qui s'éloignait comme les traces d'une haleine à la surface d'un plateau de laque. S'il n'y avait pas Kiyoaki, il n'y a pas eu non plus Isao. Il n'y eut pas Ying Chan, et - qui sait - peut-être n'y a-t-il pas eu moi.Pour la première fois, il y avait de la force dans les yeux de l'abbesse. Cela aussi est tel que dans le coeur de chacun.»Yukio Mishima, L'Ange en décomposition, chap. 30.
Écrits en russe, puis en anglais avec l'aide de son fils Dmitri, les 64 chefs-d'oeuvre retenus par Nabokov pour l'édition de ses Nouvelles complètes. Les premières parurent dans les revues de l'émigration, d'autres furent réunies en recueil dès que Nabokov eut gagné un vaste public, d'autres enfin furent publiées dans de grands journaux américains. Autobiographiques - comme «Premier amour», la plage de Biarritz inchangée depuis l'impératrice Eugénie, des femmes en col de satin perle aux ombrelles volantées, un amoureux transi de sept ans et un début d'enlèvement -, imprégnées de la mélancolie de Russes déracinés et viveurs, ou récits de passion brûlante comme «Un Léonard», toutes ces nouvelles d'une grande intensité poétique révèlent la variété d'un talent qui donne ici, dans des récits concis, le concentré du génie que déploiera Nabokov dans ses romans.
En publiant son premier roman, Little Caesar (1929), William R. Burnett (1899-1982) a ouvert une brèche dans le monde du polar et imaginé un genre nouveau:le roman de gangsters. Il renverse la perspective, ses romans noirs plongent dans l'underworld - la pègre à l'âge de la Prohibition, la corruption qui gangrène toutes les strates de la société au grand jour - et font des criminels professionnels leurs personnages principaux. Servies par des intrigues élaborées, un style concis, un sens inné du dialogue, ses histoires livrent une fresque historique et sociale des États-Unis. Burnett y a inventé une subjectivité - criminel, le malfrat n'en est pas moins un être humain en proie à des doutes, des rêves et des cauchemars - et offert «une image du monde vu par les yeux d'un gangster». En proposant pour la première fois en français des traductions intégrales et révisées, cette édition invite, à travers une trilogie - The Asphalt Jungle (1949), Little Men, Big World (1951) et Vanity Row (1952) - augmentée d'Underdog (1957) et de The Cool Man (1968), à plonger dans l'univers du Milieu et du syndicat, où les mitraillettes ont fait place à la corruption, à la menace et au chantage. Scénariste réputé de Hollywood, Burnett est avant tout un écrivain. Inédits, des extraits de son Journal et le témoignage de son fils révèlent un homme érudit qui constelle son oeuvre de références aux classiques (de Virgile à Casanova, de Byron à Fitzgerald, de Balzac à Anatole France). Si la postérité ne semble retenir que le versant hollywoodien de son oeuvre, William R. Burnett, figure importante du premier roman noir, n'en fut pas moins l'inventeur d'un univers narratif dans lequel beaucoup ont puisé. «Aux États-Unis, il y a un snobisme littéraire. Si c'est un roman de gangsters, ça ne peut pas être de la littérature», affirmait-il. Et cette nouvelle édition de nous prouver qu'il avait tort.
Pour la première fois réunies en un seul volume, les oeuvres essentielles de Sylvia Plath (1932-1963), auteur majeur de la poésie américaine de l'après-Seconde Guerre mondiale, devenue l'objet d'une vénération qui ne faiblit pas, depuis sa mort prématurée et brutale à l'âge de trente ans. Son écriture est fondée sur l'expérience privée des conflits et des désordres du moi, de la situation de la femme dans la culture. La vie est inséparable de l'écriture:«Je ne peux me contenter du travail colossal que représente le fait de simplement vivre. Oh non, il faut que j'organise la vie en sonnets et sextines, procure un réflecteur verbal à l'ampoule de soixante watts que j'ai dans la tête» (Journaux, 14 mai 1953); et la création est vouée à la fluctuation entre le sentiment de toute-puissance et l'angoisse de l'anéantissement. Comme s'il fallait au sujet atteindre «le fond», en quelque sorte mourir, pour refaire surface, renouer avec les forces de l'être, renaître...
«Parler de Conrad, c'est parler tout naturellement de Rimbaud, la ressemblance entre les deux destins est plus que frappante - évidente», écrit Jacques Darras dans sa préface. Découvrir ou redécouvrir, dans leur ordre chronologique, ces trente nouvelles, c'est mesurer le caractère exceptionnel de ce destin qui conduit le jeune aristocrate polonais exilé par l'empire russe, après quinze années d'aventures sur toutes les mers du globe, à devenir l'un des plus grands romanciers de langue anglaise du début du XX? siècle. C'est aller des merveilleux récits maritimes encore hantés par la séduction de l'Orient jusqu'aux nouvelles où il jette sur la vision poétique et sur la société de son temps un regard d'une ironie impitoyable et d'une pénétration qui font de lui le maître du récit politique moderne. Qu'advient-il, demande Conrad, quand les Rimbaud tombent dans le commerce alors qu'ils étaient partis vers de visionnaires croisades?