Introduits par le livre de thel (1789), figure de la prise de conscience enfantine de la mort, le mariage du ciel et de l enfer (1793) et l'évangile éternel (1818), réunis ici pour la première fois en seul volume, sont les deux " réécritures " blakiennes de la torah juive et des évangiles chrétiens.
Blake l'affirme lui-même : il veut écrire une autre bible - il va jusqu'à évoquer une " bible de l'enfer ". messie négatif, transgresse-t-il la " loi " pour mieux l'affirmer ? de quel " exil " serait-il la promesse enfin tenue ? au-delà des " influences " et des " sens ", qu'est-ce qui motive le poète ? blake n'est pas, comme le voulut bataille, un poète du mal. il " montre " le mal, mais c'est pour le fondre dans la contradiction universelle, pour démontrer qu'il mène à la possibilité du bien ! il s'en prend vigoureusement aux " institutions ", mais sa bible noire et son evangile blanc sont des approches poétiques et mystiques qui dessinent les contours de la même loi fondamentale : il y a du symbolique et ce champ est la dimension et l'espace du père.
Excellent connaisseur de la bible et de la kabbale - jusqu'à apprendre l'hébreu pour les lire dans le texte -, loin de vouloir brûler les livres, il en rappelle l'évidence poétique. le feu qui y brille est celui de la révolte intérieure, de l'aspiration à l'absolu, l'appel sans fin à la transgression suprême et quotidienne. alain suied.
L'oeuvre poétique de Rachel, qui lui vaut d'être considérée aujourd'hui comme une fondatrice de la littérature hébraïque moderne, est constituée de seulement trois recueils : Regain (1927) ; De loin (1930) et Nébo (posthume, 1932). Aux 114 poèmes de ces recueils s'ajoutent 30 poèmes épars dans diverses publications, mais aussi des articles et des lettres.
Après avoir publié en édition bilingue en 2006 et 2013 les trois grands recueils de Rachel, les Éditions Arfuyen publient sous le titre Sur les rives de Tibériade l'ensemble de ces poèmes épars, articles et lettres.
« Sur les rives de Tibériade » est le titre de son tout premier article, véritable poème en prose, écrit en russe, à Odessa en 1919 alors que déjà la maladie apparaissait : « Ce n'est pas seulement un paysage, le lac de Tibériade, écrit-elle, ni un fragment de nature - le destin d'un peuple s'allie à son nom. Avec des yeux sans nombre il nous regarde des profondeurs de notre passé, avec mille lèvres il parle au coeur. » Ce paysage demeurera jusqu'à la fin son recours spirituel.
Les 30 poèmes épars ici présentés en édition bilingue sont ici suivis de quatre lettres écrites de France, alors qu'elle faisait des études d'agronomie à Toulouse entre 1913 et 1916, ainsi que de trois poèmes épistolaires.
Quant aux articles, leurs thèmes sont des plus variés : la vie des pionniers, la poésie, le théâtre, la littérature, les arts plastiques, le philosophie ou même saint François d'Assise en qui elle voit un frère des pionniers d'Israël « par leur attachement à la nature et à une pauvreté joyeuse ».
Poète, romancier, essayiste, dramaturge, Conte est aujourd'hui l'une des plus grandes voix de la littérature italienne. Son oeuvre a été découverte en France grâce à deux traducteurs : Jean-Baptiste Para a traduit L'Océan et l'Enfant (1989) et deux autres recueils de poésie en 1994 et 2002 ;
Monique Baccelli a traduit deux romans en 2007 et 2008. Puis, étrangement, plus rien. C'est ainsi que l'un de ses plus grands recueils, Ferite e rifioriture, prix Viareggio 2006, n'a jamais été traduit ici.
Livre pourtant largement écrit en France (Bordeaux, Nice...) et marqué par la littérature française : le texte central est un long monologue imaginaire de Baudelaire à l'île Maurice en 1841 !
Mais surtout puissant livre symphonique, chant d'amour à la vie menacée : menacée sur la planète par la folie destructrice de l'homme comme, chez le poète, par la venue de l'âge. « Il n'est pas possible, déclarait Conte dans une interview, de dire «Il faut sauver la nature» si l'on ne change pas la perception même de la nature. La nature n'a pas de langage propre mais je pense qu'elle trouve un langage à travers nous. ».
C'est ce langage de la matière et du corps qui est au coeur du livre. Langage d'humilité et de tendresse, lucide et démuni : « Oh vie, je t'en prie / aie avec moi la main / légère. / Ne t'acharne pas contre qui t'a aimée / tant et sans raison, / comme doit aimer toujours celui qui aime. ».
Rimbaud cesse d'écrire avant trente ans, Trakl meurt à vingt-sept ans en 1914 et sa période dite de « maturité » n'aura également duré que quatre ans (1910-1914). Comme celui de Rimbaud, le parcours poétique de Trakl est menacé par la folie : « Aucun des sophismes de la folie, - la folie qu'on enferme - n'a été oublié par moi », écrit Rimbaud.
C'est cette même démence qui « enténèbre ».
L'oeuvre de Trakl. Mais alors que Rimbaud, prophète solaire et exalté, travaille à l'échelle de « l'immensité de l'univers » et de tous les hommes, Trakl, l'ermite nocturne, ne conçoit qu'une harmonie transmissible à quelques « séparés ».
L'hostilité de Trakl envers le classicisme bourgeois de Goethe contraste avec son admiration pour Novalis, qui apparaît comme son double bienheureux.
Mais, plus encore que Novalis, l'interlocuteur majeur de Trakl est Hölderlin, qui incarne la figure du « poète fou », devenu étranger à une réalité extérieure sans emprise sur lui.
Rilke disait avoir « beaucoup fréquenté, avec la plus grande émotion, la poésie de Georg Trakl » : les deux oeuvres se rencontrent autour de ce que Rilke nomme « le Terrible ». Mais le poème trakléen se différencie du poème rilkéen par son caractère apocalyptique, présage d'une destruction.
Paul Celan, héritier de Trakl s'il en est, parle à propos de sa propre oeuvre de « reste chantable ».
C'est bien en termes de « restes chantables » qu'on peut comprendre ce qui demeure chez Trakl de la tradition qu'il recueille et du monde qu'il affronte.
La présente édition est un hommage collectif rendu par les écrivains d'Alsace à celui qui est comme le « père » de la littérature moderne d'Alsace, Nathan Katz. Les textes de ce premier volume ont été traduits de l'alémanique par Claude Vigée, Jean-Paul de Dadelsen, Guillevic, Alfred Kern, Jean-Paul Klée, Gérard Pfister et Théophane Bruchlen. Les postfaces et les notes sont de Yolande Siebert, la mailleure spécialiste de Katz.
« Katz a derrière lui, écrit Jean-Paul de Dadelsen, de longues générations de paysans qui ont labouré, qui ont semé et qui ont fait l'amour dans les chaudes alcôves au parfum dense et vieux. De là cette poésie profonde, mûrie et comme juteuse, qui fait penser à un fruit plutôt qu'à une couleur ou à une mélodie. » Si Nathan Katz prend le risque magnifique d'écrire dans une langue connue des seuls enfants de son Sundgau natal, ce n'est pas pour s'y enfermer mais, au contraire, pour la faire accéder à l'universel, du côté de ces oeuvres qu'il aime et qui l'inspirent : les poètes chinois et les tragiques grecs, les poètes persans et Rabindranâth Tagore.
Durant sa vie de voyages incessants, trois livres n'ont cessé de l'accompagner : le Faust de Goethe, les discours du Bouddha et la Vie de Jésus de Renan. Et lorsqu'en 1972 un hommage solennel lui est rendu pour son 80e anniversaire, il a ces mots qui le montrent tout entier : « J'ai tenté de faire oeuvre d'homme. Au-dessus des frontières et des clans. Pardelà le fleuve Rhin. J'ai chanté les paysages, l'eau, les jours et la femme. En paix et en joie. C'est tout. »
Le destin de Katz est tout entier contenu déjà dans son nom. Si l'allemand Katz signifie « chat », le nom de famille est l'abréviation de l'hébreu Kohen tzedek, « l'homme dévoué à la justice » : « Aux oeuvres de la haine, écrit G.eorges-Emmanuel Clancier dans sa préface, la poésie de Nathan Katz oppose le clair regard de l'enfance, la lumière de l'amour, et tout simplement la bonté - en laquelle il voit l'essence même du divin. ».
Lorsqu'en 1972 un hommage solennel lui est rendu pour son 80e anniversaire, il a ces mots qui le montrent tout entier : « J'ai tenté de faire oeuvre d'homme. Au-dessus des frontières et des clans. Par-delà le fleuve Rhin. J'ai chanté les paysages, l'eau, les jours et la femme. En paix et en joie. C'est tout. ».
« Ils sont rares, écrit Jean-Paul Sorg, les hommes qui ainsi élèvent, sans violence, par la seule exigence de noblesse qu'ils incarnent, imposent et transmettent, ceux qui s'approchent d'eux. [...] Sa poésie est expression de la joie ou expression de la pitié, et rien de plus. Ce qu'a toujours été la poésie authentique, essentielle, depuis les premiers Grecs. ».
Issu de la communauté juive du sud de l'Alsace, Katz est l'un des plus grands auteurs de l'Alsace au XXe s. par l'universalité de ses thèmes et le rayonnement spirituel de sa personnalité.« Katz a derrière lui, écrit Jean-Paul de Dadelsen, de longues générations de paysans qui ont labouré, qui ont semé et qui ont fait l'amour dans les chaudes alcôves au parfum dense et vieux. De là cette poésie profonde, mûrie et comme juteuse, qui fait penser à un fruit plutôt qu'à une couleur ou à une mélodie. ».
La présente édition est un hommage collectif des écrivains d'Alsace au « père » de la littérature moderne d'Alsace, Nathan Katz. Les textes de ce second volume ont été traduits de l'alémanique par Claude Vigée, Jean-Paul de Dadelsen, Guillevic, Camille Claus, Adrien Finck, Jacques Goorma, Gaston Jung, Gérard Pfister, Sylvie Reff, Yolande Siebert, Jean-Paul Sorg, Albert Strickler, Jean-Claude Walter, André Weckmann et Conrad Winter. Les notes sont de Yolande Siebert, la meilleure spécialiste de Katz.
Alain Suied est mort le 24 juillet 2008. Il se savait condamné depuis plusieurs semaines et consacra ce temps à la méditation d'un poète qu'il aimait depuis toujours entre tous : John Keats.
Depuis l'hémorragie de février 1820, Keats lui aussi avait vécu sa dernière année comme une « vie posthume ». Et Keats lui aussi souffrait que ses poèmes ne rencontrent pas un accueil plus chaleureux et fera graver sur sa tombe l'épitaphe suivante : « Here lies one whose name was writ on water » (Ci-gît un dont la gloire fut écrite sur l'eau). Terrible répétition des choses à deux siècles de distance En 1990 avait paru aux Éditions Obsidiane la traduction de La Vigile de la Sainte-Agnès de Keats par Alain Suied, puis, en 1994, dans les Cahiers d'Arfuyen sa traduction des Odes, suivies de La Belle Dame sans Merci. Alain Suied avait souhaité que l'ensemble soit repris en un seul volume avec de nouveaux textes de présentation. Il avait eu le temps de relire le volume et ne cessa de l'enrichir des aperçus neufs que sa relecture passionnée des textes de Keats suscitait en lui durant sa propre maladie. La présente édition intègre ces dernier éléments.
Grâce à Alain Suied, nous pouvons lire Keats non plus comme « le grand poète anglais » mais comme notre contemporain : « En modernisant (à outrance ?) ma traduction, écrit Suied, je ne fais que suivre l'exemple et l'injonction du poète.? N'est-ce pas à travers ses choix si «subjectifs» (et tellement moqués à son époque !) qu'il a ouvert la voie à toute la Poésie moderne ? » C'est le privilège du grand traducteur de donner à relire les classiques autrement. C'est le cas d'Alain Suied avec Keats.
Lisons les premières lignes de sa préface des Odes : « «Puérile», «maladive», «vulgaire», «abstraite», «répétitive», «licencieuse», «insensée» : on ne saurait citer tous les qualificatifs qui accueillirent, au XIX° siècle, en Angleterre, la publication des poèmes de Keats. Cette oeuvre vouée à la beauté et au malheur du vivant, à la quête d'une allégorisation vivace de la brièveté et de la disparition d'une existence, à l'éloge d'Homère et de Dante et à la remise en question des conceptions poétiques de ses contemporains et désormais tenue pour la plus influente dans l'univers si riche et si varié de la poésie moderne de langue anglaise, fut l'objet des sarcasmes et des insultes de nombre de ses contemporains. » Parlant de Keats, il est évident que Suied parle aussi de lui-même. Si pudique, n'est-ce pas sa propre analyse qu'il nous livre en poussant la lecture de Keats dans les zones de l'inconscient ? « Quelque chose, écrit Suied, se cache derrière ce rejet presque unanime. Et si Keats, mort à 26 ans, avait à la lettre incarné la pensée (ou l'impensé) romantique? (...) Avec les Odes et avec la Vigile, quelque chose d'autre a lieu. (...) Loin du ''mâle'' byronien, hanté par la femme-soeur, Keats abolit le féminin par cette brisure même : répondre à l'Archaïsme, à la figure maternelle intériorisée, non par la célébration romantique, mais par l'identification qui annulera, apaisera l'infinie différence. (...) Le féminin n'est pas le ''faible'', le ''yin'', l'abandon - mais la lutte avec l'Archaïque, le jeu cruel et vital avec le naturel. Le mouvement des Odes est le mouvement même du Romantisme : le retour à la Mère, le refus de l'ordre socio-politique, de la révolution industrielle mais amené jusqu'à ses ultimes limites, jusqu'à ses fins dernières. »
« Nos vies nous ont forcés à quitter la carrière poétique, écrivait Wendell Berry à son ami Gary Snyder en 1977. Quand on quitte la poésie, les poèmes deviennent alors une façon de parler aux autres hommes et pour les autres hommes, et non plus des choses acquises. » C'est en 2014 qu'ont été révélées au public les 40 années de correspondances entre Snyder, symbole de la Beat Generation, et Wendell Berry, le digne héritier de Thoreau, chantre et théoricien d'un monde renouvelé grâce à l'écologie.
Voix majeure de la poésie contemporaine, mais aussi romancier et nouvelliste, auteur de très nombreux essais sur l'écologie et la littérature, Berry est considéré aujourd'hui en Amérique comme un véritable prophète de notre temps. C'est pourtant la première fois qu'il est traduit en volume en français à travers un ensemble de textes qui couvrent l'ensemble de son itinéraire poétique.
Dans son cycle romanesque de Port William, largement inspiré de ce Port Royal où il habite depuis un demi-siècle, Wendell Berry fait exister tout un monde qu'il connaît bien et qui reste attaché à un mode de vie largement communautaire.
Berry a lui-même beaucoup oeuvré pour maintenir et, si possible, recréer de telles communautés à taille humaine, fondées sur un sens de la solidarité qui tend à disparaître dans le monde globalisé qui est le nôtre, esclave d'intérêts financiers et de technologies asservissantes.
De Takuboku les Éditions Arfuyen ont fait paraître en novembre 2016 Le Jouet triste, publié en 1912 par son ami Toki Aika deux mois après sa mort).
« La poésie est mon jouet triste », écrivait le jeune homme, mort de la tubercu- lose à l'âge de 26 ans. Car la poésie, écrivait-il, est un « journal du mental ».
Ce nouveau recueil rassemble les poèmes de Ceux que l'on oublie difficile- ment (1979) et de Fumées (1989). Dans ces deux textes issus de son premier ouvrage Ichiaku no suna (Une poignée de sable, 1910), dont ils constituent la 4 e et la 2 e partie) le ton de Takuboku est déjà là : en contrepoint de la contemplation de la beauté déchirante de la nature, un regard incroyablement lucide sur la misère sociale et la faiblesse humaine du monde qui l'entoure.
« Mon existence, écrit-il, a été sacrifiée à l'ordre familial, au système de classes, au capitalisme et à la commercialisation du savoir qui actuellement nous gouvernent. » Le titre du présent recueil est on ne plus juste : oui, ces textes-là sont de ceux que « l'on oublie difficilement », pour leur parfaite simplicité en même temps que leur force d'émotion incomparable.
Les chants de l'innocence et de l'expérience (1789-1793) furent réunis en un seul volume par william blake et se répondent par leurs thèmes et leurs figures.
Ils sont contemporains de la révolution française et l'une des innombrables interprétations de leurs chefs-d'oeuvre poétiques veut classiquement voir dans le tigre l'incarnation des idées révolutionnaires du poète radical. il est aisé d'opposer innocence et expérience, agneau christique et tigre, enfance et maturité etc. , mais est-ce le propos de blake ? certes, tel est bien son projet annoncé. mais l'oeuvre mystérieuse du poète de jérusalem ne saurait s'ouvrir par une si facile clé.
Blake écrit pour un fantôme. blake est habité par un double. blake dessine, peint et compose sa foisonnante poésie pour dialoguer avec son frère robert mort trop tôt. toute grande poésie a son interlocuteur secret. toute parole est offertoire.
" de l'inexplicable, du divin, du fait que je me réveille, que je bouge, agis, pense, que je vis, naît la poésie, le dessin, la sculpture, l'écriture, les lignes, les plans, le choix des couleurs, des formes, des fleurs, des pierres, le choix des fragments de pierres, d'un regard, d'une démarche, d'une silhouette, d'une figure humaine, d'une figure de nuage.
" intimement liée à son travail de plasticien, l'oeuvre poétique d'arp est encore mal connue. il y a là une bizarrerie, une injustice. lui-même affirme clairement qu'il accordait autant d'importance à ses poèmes - sinon davantage - qu'à ses sculptures : " si par impossible j étais obligé de choisir entre l'oeuvre plastique et la poésie écrite, si je devais abandonner, soit la sculpture, soit les poèmes, je choisirais d'écrire des poèmes.
" la poésie d'arp est certes marquée par l'expérience dadaïste et surréaliste, mais son originalité tient en grande part à son refus de toute rhétorique, y compris moderniste, à son parti-pris de simplicité, à son inlassable questionnement sur dieu, sur le monde et sur l'homme, et surtout à son humour malicieux, parfois extravagant, dont les cocasses trouvailles n'excluent pas la gravité. l'humour c'est l eau de l'eau-delà mêlée au vin d'ici-bas.
simplicité du geste, simplicité du dire. sa poésie dit la table et le nuage, le voilier et la forêt, l'ange et la rose. elle nomme et conte sans décrire ni expliquer, et lorsqu'elle se fait lyrique, c'est à fleur de mots, avec une narquoise pudeur. aimée bleikesten.
Clarté sans repos, publié en langue originale en 2004 sous le titre Arden las pérdidas, est l'aboutissement d'une expérience poétique et existentielle inaugurée dans l'oeuvre d'Antonio Gamoneda avec Description du mensonge (1975-1976), approfondie avec Pierres gravées (1977-1986), puis Livre du froid (1986-1991) - auquel est venu s'adjoindre, en 1998, Froid de limites.
Hors de tout mensonge consolateur, cette poésie ne cesse d'affirmer avec violence et désespoir, colère et résignation que le seul réel est la disparition : " Tu vas vers l'invisible / et tu sais que ce qui n existe pas est réel ". Non seulement, d'ailleurs, elle l'affirme mais - et c'est en quoi elle est poésie - elle le fait éprouver au lecteur avec une puissance physique de suggestion qui tient autant à la densité de la langue qu'à la force des images.
Il suffit de feuilleter Clarté sans repos pour percevoir cette scansion obstinée où s'opère tout un travail d'anamnèse que décline en quatre sections le récit éclaté du passé et de ses sensations les plus intenses inscrites dans une mémoire corporelle pleine de fulgurances et de disparitions. Vieillir, c'est se dédoubler, c'est devenir cet autre qu'on finit par ne plus reconnaître. De ce point de vue, il n'y a pas de différence avec l'expérience de dépossession qui fonde l'acte d'écrire et qui consiste aussi à disparaître pour que puisse apparaître cet étranger en soi qui profère ses paroles incompréhensibles.
La dernière section " Clarté sans repos ", est traversée par cette interrogation obstinée. Qui est cet " animal étrange ", cet " inconnu caché dans ma mémoire " qui parle en moi, " qui veille en moi quand je dors " ? Serait-il cette part d'enfance qui ne veut pas mourir, ou cette voix de l'extinction où tout viendrait se consumer ? Ou les deux à la fois ? La réponse n'est pas dans une formulation explicite, mais dans une double image obsédante : celle du feu et de la lumière où les contraires s'annulent, où la fin redevient commencement, où la vieillesse rejoint l'enfance.
L'oeuvre poétique de Hart Crane (1899-1932), flamboyante et sombre comme celle de son contemporain Francis Scott Fiztgerald (1896-1940), est l'une des plus originales et des plus puissantes de la poésie américaine du XXe siècle.
Hart Crane a vécu à Paris en 1929 où il a rencontré Gertrud Stein, André Gide et Philippe Soupault. Il a habité à Ermenonville chez le poète et éditeur Harry Crosby et a séjourné à Marseille et dans le midi de la France. Son grand livre, « Le Pont », a été publié à Paris en 1930 par les éditions Black Sun Press, avant même que le livre ne sorte aux États-Unis.
Marqué par l'influence de Whitman et de T. S. Eliot, il a été lecteur de Rimbaud et de Proust, dont une certaine tonalité se retrouve dans son oeuvre.
Dans une lettre de 1926, Hart Crane situe sa démarche dans le sillage de celle de Rimbaud, « le dernier grand poète que notre civilisation aura vu », qu'il envie d'avoir déployé son « destructivisme euphorique et explosif » contre les « institutions ».
Malgré son importance, sa modernité et sa relation étroite avec la France, seules existent aujourd'hui deux traductions françaises de Hart Carne : Key West (La Différence, 1989) et Le Pont (La Nerthe, 2014). Le travail de traduction est, il est vrai, particulièrement ardu et délicat du fait d'une langue très riche et d'un grand raffinement musical.
Malgré une mort prématurée à l'âge de 26 ans, Antonia Pozzi (1912-1938) a laissé une oeuvre considérable dont la publication posthume a révélé la force et l'originalité. Vittorio Sereni, l'un de ses plus proches amis, reconnut le premier ses dons exceptionnels. Eugenio Montale admirait lui aussi la " pureté du son " et la " limpidité des images " de la poésie d'Antonia Pozzi. T. S. Eliot quant à lui se disait frappé par " sa pureté et sa probité d'esprit ".
Un an après sa mort, les éditions Mondadori publient sous le titre Parole un premier ensemble de ses poèmes (1939). L'année suivante paraît sa thèse : Flaubert. La formazione letteraria (Garzanti, Milan, 1940). D'autres éditions se succèdent : en 1948, Parole. Diario di poesia 1930-1938 ; en 1948, une édition préfacée par Montale. La parution des journaux et correspondances (notamment avec Sereni) révèle une personnalité complexe et attachante.
Comme les poèmes de Katherine Mansfield sont partie intégrante de son journal et seulement différents par la forme, le Diario di poesia est un journal entièrement fait de poèmes, qui, grâce à la vivacité du regard et à la limpidité du style échappent aux dangers de la complaisance comme du prosaïsme. Les traductions d'Antonio Pozzi se sont multipliées : en allemand, anglais, espagnol, portugais, roumain...
Mais en français, seul a paru en 2009 un petit volume bilingue de 88 pages : La route du mourir (trad. Patrick Reumaux, Librairie E. Brunet, Rouen). Passionné par l'oeuvre d'Antonia Pozzi et traducteur émérite, Thierry Gillyboeuf a entrepris de donner en français l'intégrale de l'oeuvre poétique d'Antonia Pozzi, soit un ensemble bilingue de 600 pages réparti en deux volumes.
En 2006 a paru dans la même collection la traduction du premier recueil de Rachel, Regain (1927). Bernard Grasset, grâce à qui cette oeuvre était pour la première fois présentée au public francophone, propose ici la traduction des deux autres recueils de Rachel : De loin (1930) et Nébo (1932), publié un an après sa mort. Née en Russie en 1890, Rachel est l'une des grandes pionnières de la littérature hébraïque moderne.
Alors que, durant des siècles, l'hébreu n'avait servi qu'à la transmission du patrimoine religieux, il retrouve un second élan avec l'existence de communautés juives en Palestine. A nouveau, il est parlé dans la vie quotidienne. Alors que la poésie était demeurée l'apanage des hommes, l'écriture de Rachel rencontre immédiatement une large audience et joue un rôle essentiel dans l'adaptation de la langue hébraïque au monde moderne.
La Bible est la racine de la poésie de Rachel. Marquée par son vocabulaire et par sa thématique, elle en vient à regarder sa propre existence à travers celle des personnages bibliques. Ainsi de Rachel, d'Anne, d'Elie, de Mikhal, de Jonathan. Ainsi de Job à qui elle aime le plus à se référer : souffrant et attendant comme lui, dans la nuit du doute, que vienne la guérison. Parlant d'elle-même, c'est la condition humaine que peint Rachel, et non pas certes de manière abstraite, mais, comme dans l'Ecriture, très concrètement, par la main (yad), le regard (`ayin), la voix (qol).
Il s'agit ici d'une poésie réduite à l'essentiel : un " chant de mille oiseaux ", un chant de souffrance et de joie, un chant de l'être en exil et de la lumière. Pour qui a souffert et éprouvé l'intense scintillement du lointain azur, les ornements du langage sont inutiles. Telle est l'expérience tragique et radieuse de Rachel, très proche au fond, dans un destin pareillement brisé, de celle d'Etty Hillesum, dont la mère Rébecca était née en Russie neuf ans avant la poétesse (en 1881) pour s'exiler non pas en Palestine mais aux Pays-Bas.
Mort en 1912 à 26 ans, Takuboku est considéré comme « le Rimbaud japo-nais ». Il est l'auteur de deux recueils : Ichiaku no suna (Une poignée de sable, 1910, 4 parties, en tout 551 tankas) et Kanashiki gangu (Le Jouet triste, 1912, 194 tankas, publié par son ami Toki Aika deux mois après sa mort).
« La poésie est mon jouet triste », écrivait Takuboku. Ce recueil posthume de Takuboku fait entendre la cette tonalité tendre et déchirante, immédiate-ment reconnaissable et tellement inoubliable, qui est celle de Takuboku.
De cet auteur devenu depuis 40 ans un véritable symbole des éditions Arfuyen, c'est le quatrième ouvrage bilingue publié : Ceux que l'on oublie difficilement (1979, rééd. 1983, 1989 et à venir, 4e partie d'Une poignée de sable), Fumées (1989, 2e partie) et L'Amour de moi (2003, 3e partie).
Les haïkus s'inspirent de l'impermanence de la nature, mais les tankas de Takuboku contemplent la précarité et la misère de la vie des homme : tous les lecteurs restent frappés par la sensibilité incomparable de cette écriture.
En avril 1938, le général Franco abroge le statut de la Catalogne. Alors que les troupes franquistes s'approchent de Barcelone, Carles Riba, le 14 janvier 1939 passe la frontière avec Antonio Machado. Le 26 janvier, Barcelone tombe. Riba est accueilli par Marc Sangnier au château de Bierville. Fondateur du journal Le Sillon et pionnier en France des Auberges de Jeunesse, il y a organisé des camps de la paix rassemblant des milliers de jeunes français et allemands. L'un des chefs-d'oeuvre de la littérature catalane naît donc à Bierville. Ce n'est qu'en 1951 que les Élégies pourront paraître officiellement en Catalogne - et ce n'est qu'en 2017 qu'elles paraissent enfin en français.
Né en 1893, Riba a connu les vicissitudes des pionniers du mouvement na-tional catalan. Brillant polyglotte et helléniste, il a traduit dans sa langue aussi bien Homère, que Hölderlin, Poe ou Kafka. À la fin de sa vie, il était le plus prestigieux représentant de la culture catalane en Espagne.
Dans ses douze Élégies transparaît son immense culture mais surtout le drame de l'exilé face au désastre imposé à sa terre. Elles témoignent aussi dans cette situation désespérée d'une expérience spirituelle intense, de « moments d'une joie ineffable ». Écrites alors que la barbarie déferlait sur l'Europe - en Espagne avec le concours militant de l'Église -, ces Élégies sont un témoi-gnage de résistance spirituelle contre les totalitarismes et les intégrismes.
Annele Balthasar est l'oeuvre qui a fait connaître Nathan Katz et en a fait le symbole le plus authentique de la culture d'Alsace. Sa traduction par Jean-Louis Spieser est publiée dans le cadre du Prix qui depuis 2004 porte son nom (le Prix Nathan Katz du Patrimoine), créé pour faire découvrir en français un patrimoine littéraire de premier plan par sa richesse et sa variété, mais écrit presque entièrement en langue allemande ou alémanique jusqu'en 1945.
Malgré son écriture très littéraire et un sujet ambitieux, la pièce a, dès sa création à Mulhouse en 1924, remporté un vif succès. Elle n'a cessé depuis lors d'être lue et jouée en alémanique sans jamais avoir été traduite en français.
Aucun pittoresque régional cependant dans ce texte.
Son double thème est profondément universel : c'est le mécanisme de la rumeur qui déforme la perception de la réalité (qu'on se rappelle la fameuse « Rumeur d'Orléans » analysée par Edgar Morin en 1969) et c'est celui du procès en sorcellerie qui broie la conscience des individus (le terme « chasse aux sorcières », le philosophe Jacob Rogozinski (professeur à l'uni- versité de Strasbourg) le rappelle dans sa passionnante préface, a été appliqué aux procès de Moscou comme dans tous les États totalitaires).
Outre l'admirable humanisme de Katz, on retrouve aussi dans ce texte sa sensibilité quasi panthéiste à la Nature et à la Vie. « J'ai voulu, déclarait Katz, recréer dans mon Annele Balthasar ce souffle mystérieux qu'on entend pendant les nuits passer dans les vergers du Sundgau : toute la lumière, tout le rayonnement sur ce pays... »
" Qu'y a-t-il de profond comme le manque, qui remplisse le coeur comme le vide, qui comble l'âme comme la nostalgie de cela qui n'est pas.
" Quand paraît en 1953 Pays du soir (Aftonland), Pär Lagerkvist, âgé de soixante-deux ans, est l'auteur d'une oeuvre considérable et déjà comblé d'honneurs. Son théâtre, ses essais, poèmes et romans - parmi lesquels Le Bourreau (1933), Le Nain (1944) et Barrabas (1950) - lui ont valu de recevoir deux ans plus tôt le prix Nobel de littérature. Issu d'une modeste famille luthérienne, il a très tôt rompu avec la tradition de ses pères pour embrasser un socialisme radical.
Conscient cependant des dangers qui menaçaient l'héritage culturel de l'Europe humaniste, il n'a cessé de le défendre contre les dictatures dans des livres comme Victoire dans les ténèbres ou L'homme sans âme (1939). " Le dieu qui n'existe pas, c'est lui qui embrase mon âme. Qui fait de mon âme une terre désertique, une terre fumante, une terre brûlée qui fume après les flammes. " Pär Lagerkvist aimait à se définir comme " un croyant sans foi ou un athée religieux ".
Et André Gide voyait dans son oeuvre comme " une corde tendue à travers les ténèbres entre le monde réel et le monde de la foi ". C'est cette tension qui fait la force et la beauté de Pays du soir, au-delà de toute révolte et de toute certitude, dans une étrange sérénité qui évoque la voix des plus grands spirituels. Si dépouillée est ici l'écriture qu'elle ne prétend donner rien de plus qu'un simple signe de vie, si pure la contemplation qu'elle fait entendre la profonde prière d'une parfaite ignorance : " Que l'angoisse de mon coeur jamais ne se retire.
Que jamais je n'aie la paix. Que jamais je ne me réconcilie avec la vie, non plus qu'avec la mort. Que ma route soit sans fin, vers un but inconnu. "
Me récitant à mi-voix, vers trente ans, dans mon exil américain, certains poèmes de jeunesse de Rilke autrefois appris à l'école en Alsace, j'y recueillais une ancienne confidence, restée enfouie en moi-même.
Je reconnaissais avec bonheur ces tons un peu tremblé, intimes et voilés, qui m'avaient tant séduit avant guerre, dans l'adolescence. Je ne me sentais guère capable de les imiter, de les reproduire en français. Mais j'éprouvais le besoin d'y répondre à ma façon, en prenant mon élan dans le lieu le plus obscur, le plus secret de mon être. Était-ce seulement l'effet du hasard ? Il s'agissait surtout de poèmes qui, en dépit de leur facture prosodique serrée, de leur composition rigoureuse, se simplifiaient soudain à l'extrême.
En s'ouvrant ainsi au regard de la conscience, ils s'éclairaient en profondeur, jusqu'à rejoindre parfois la transparence de la chanson populaire des régions alémaniques. J'avais parcouru ces domaines de la parole avec amour dans une autre existence peut-être... Leur mélodie hésitante me paraissait issue d'une demeure déjà perdue, d'un vieux pays de marécages et de sous-bois, fait d'une matière sonore encore familière à mon coeur errant.
Oui, j'y retrouvais les traces de mon royaume ancien ; c'est en franchissant à rebours cet espace d'oralité intime que j'ai tenté de le traduire, poussé par le désir de capter son atmosphère si particulière. Cette ambiance était comme un secret gardé entre lui et moi.
paru à helsinki en 2003, dehors est à ce jour le dix-neuvième recueil de poèmes.
ecrivant, comme ici, sous la dictée du jour, il se peut qu'un poète se cache dans ses vers, mais il cachera toujours peu de choses à son traducteur : à l'égal - et peut-être plus - d'un lagerkvist ou d'un tranströmer, bo carpelan est tout simplement le meilleur ouvrier des langues scandinaves, ce que la lyrique nordique peut aujourd'hui offrir de plus décisif, de plus haut à l'europe des lettres. la beauté y est partout chez elle.
Les poèmes de Kiki Dimoula ne ressemblent à rien.
Peu de poètes donnent cette impression de nouveauté radicale. Cela commence par ses sujets, si étranges - étranges à force de ne pas l'être, infimes le plus souvent, tirés du quotidien le plus banal. Un paysage sans histoire. Une goutte de sang. Un objet familier, bibelot, table basse, cassette audio, répondeur. Pas de personnages. Une voix qui parle, seule mais entourée d'absents qu'elle interpelle : êtres chers disparus, ou soi-même autrefois, ou encore Dieu - un Dieu dont on ne sait trop s'il faut y croire.
À leur façon pourtant les poèmes de Dimoula sont grouillants de vie. Un torrent d'images les irrigue, inattendues, audacieuses, se chassant l'une l'autre à toute allure. L'humble réalité qu'elles décrivent acquiert une vie intense, presque angoissante, vue à travers ces verres grossissants qui en la métaphorisant la métamorphosent. Allusifs, parfois obscurs, ces poèmes ont sur leurs lecteurs un effet étonnant.
Kiki Dimoula, née à Athènes en 1931, est lue, admirée, aimée par une foule de gens dont certains lisent peu. La Grèce a beau être le paradis des poètes, un tel traitement n'est réservé qu'à une poignée d'entre eux, et de nos jours à la seule Dimoula.
Deux fois couronnée par le prix Nobel - Czeslaw Milosz en 1980 et Wislawa Szymborska en 1996 -, la littérature polonaise des dernières décennies est l'une des plus riches d'Europe. Par sa radicalité et son universalité, l'oeuvre de Rozewicz y occupe une place de tout premier plan. Poète, dramaturge, nouvelliste, Rozewicz appartient à une génération qui a eu 20 ans dans un pays martyrisé par les nazis et vécu sa maturité sous la dictature communiste. En rupture d'études, ouvrier, il combat dans les rangs de l'armée clandestine, l'A. K, avec son frère Janusz - qui sera exécuté par la Gestapo en 1944. Au lendemain de la guerre, sa conscience de poète est littéralement foudroyée par le poids de l'histoire : Comment écrire de la poésie après Auschwitz ? " C'est un homme presque sans voix qui parle, tout au bord de ce silence qui étouffe beaucoup de survivants. Pour ces temps d'apocalypse, Rozewicz invente une poétique nouvelle rupture avec le vers classique, abandon de toute métaphore, crudité et rugosité de la langue. Proches de la démarche d'un Paul Celan, ses poèmes sont comme les squelettes de cathédrales calcinées. Véritable révolution dans la poésie polonaise, son oeuvre constitue " la négation d'une littérature " qui, souligne Milosz, " semblait n'être rien d'autre qu'un mensonge recouvrant l'horreur de la brutalité de l'homme envers son prochain. " A partir des années 60, sa poésie s'approfondit encore pour dénoncer la désintégration des liens sociaux et des systèmes moraux et esthétiques dans les sociétés occidentales. Dans le même temps, sa sensation aiguë du néant trouve dans le théâtre un puissant moyen d'expression. Saluées par Grotowski et Kantor, des pièces comme Le Fichier influencent profondément leur esthétique. Rozewicz aime à citer cette belle phrase de Mickiewicz : " Il est plus difficile de vivre décemment une journée que de composer un livre. " Ecrire n'a d'autre sens, d'autre dignité, pour Rozewicz, que de tenter de vivre : la poésie de nos jours/est une lutte pour respirer.
Traduit par Claude-Henry Du Bord et Christophe Jezewski.