À Dendara, trois portes monumentales donnent accès respectivement aux domaines d'Hathor, d'Horus d'Edfou et d'Isis. Diverses cérémonies se déroulaient à proximité de ces édifices où la population profane pouvait s'approcher au plus près de l'enceinte sacrée. La porte d'Hathor ouvrant sur le domaine de la déesse constitue l'ultime témoignage architectural d'un site dont les archives remontent au temps de Khéops ; elle fut édifiée sous les règnes de Domitien et de Trajan (81-117 ap. J.-C.). Images et mots décrivent les rites, accompagnés de réjouissances publiques, marquant le passage d'une année à l'autre. Hathor et Isis, mères qui allaitent leur enfant, sont également et surtout de belles femmes veillant sur l'institution royale et recevant des offrandes spécifiques (rituel d'apaisement par la musique des sistres, présentation du bandeau d'électrum, du mammisi et du lange de naissance).
À Dendara, le domaine d'Horus est indépendant de celui d'Hathor ; diverses processions reliaient cependant les deux espaces sacrés. Horus était le maître de Dendara, époux d'Hathor maîtresse de Dendara, et Edfou et Dendara ne forment qu'un seul nome. Les deux divinités incarnent la royauté, masculine et féminine, transmise par Rê d'Héliopolis. Totalement inédits jusqu'à présent, les textes et représentations de l'édifice constituent l'ultime production sacerdotale d'une ville déjà florissante à l'Ancien Empire.
Dendara est l'un des plus beaux temples d'Egypte, construit au crépuscule de la civilisation plusieurs fois millénaires.
Des inscriptions en hiéroglyphes couvrent ses parois du sol au plafond. L'élite intellectuelle du pays tout entier a consigné sur ses murs sa philosophie, son rapport avec les dieux, le ciel, le Nil et la végétation. Elle nous a ainsi légué un sanctuaire qui dépasse, par la richesse de ses textes et la rigueur de leur composition, tous les monuments antérieurs de l'Egypte.
Par une chance inouïe, des statues, des stèles et de nombreux documents relatifs à la construction du temple ont été conservés.
On connaît même le jour précis de sa fondation et des calculs astronomiques ont permis de retrouver le jour et l'heure de l'inauguration des chapelles consacrées au mystère d'Osiris : le 28 décembre 47 av. J.-C., à 5 h 45 du matin. Ainsi s'est trouvé expliqué le très célèbre Zodiaque qui fait la gloire de Dendara et l'orgueil du musée du Louvre.
L'une des rares égyptologues à connaître de fond en comble ce monument exceptionnel nous en ouvre aujourd'hui les portes.
En faisant parler le prêtre et le temple, comme si l'égyptien était traduit en français, elle nous fait revivre une grande période historique et son mode de pensée. On peut dire qu'elle nous révèle pour la première fois un univers totalement inconnu du grand public.
La publication des textes et des photographies du temple d'Isis poursuit le programme de documentation systématique des monuments du sanctuaire de Dendara en Haute-Égypte entrepris par l'Ifao.
Situé au sud du grand temple d'Hathor, dont il est indépendant, ce petit édifice, dont la partie principale a été achevée sous Auguste, possède une histoire longue révélée par la présence de blocs anciens réemployés ou de phases de construction datables de l'époque ptolémaïque, de la XXXe dynastie, voire du Nouvel Empire.
Son décor développe une théologie riche centrée autour de la naissance de la déesse Isis au coeur d'un temple conçu comme une butte divine.
À quelque soixante kilomètres de la Vallée des Rois - avec laquelle il partage la splendeur des représentations picturales - le site de Dendara constitue un des ensembles religieux les plus remarquables de toute l'Égypte. La présence divine y remonte à la plus haute antiquité, ce qui explique l'exceptionnel degré d'élaboration de ses textes et tableaux.
Un circontance nouvelle vient de rendre au grand temple, après deux millénaires, l'éclat originel qui faisait sa gloire : les restaurateurs du vieux pays ont tout récemment arraché à la poussière séculaire la palette antique qui unissait aux bleus les rouges, les jaunes et tant d'autres nuances intermédiaires.
Inséparables des images et des textes qu'elles rehaussent, ces couleurs mettent en relief ici une parure ou une robe finement tissée, là un astre ou une constellation remarquable, là encore les chairs divines palpitantes de vie.
Pâles sur les parois recevant l'ardeur lumineuse du soleil, les tons deviennent chauds et profonds dans le sanctuaire qu'éclairent uniquement les flambeaux des prêtres. Tout le long de leur lente et solennelle progression, ces ritualistes éveillent ainsi successivement les acteurs divins des innombrables processions fériales.
Hathor, la maîtresse des lieux et la reine au ciel, comme l'est sur terre son adoratrice Cléopâtre, a recouvré l'appareil éminent qui convient à sa beauté.
Les Pyramides, prodigieux monuments défiant le temps et l'espace des hauteurs, témoignent devant l'univers de l'existence immuable du vieux pays; le pharaon, protégé par la pierre souveraine, gagne l'infini du ciel et repose parmi les astres.
Les tombes de la Vallée des Rois sont en quelque sorte des pyramides inversées que le souverain parcourt et où il séjourne, seul spectateur initié de ces images mystérieuses - grandioses ou terrifiantes - qui jalonnent l'espace souterrain.
Les hypogées royaux, conservatoire de la quintessence théologique et astronomique égyptienne, transmettent leur message en une débauche de couleurs qui, plus encore que les hiéroglyphes finement ciselés ou les silhouettes artistement esquissées, donnent l'accès à l'ineffable.
Le pharaon quitte le séjour des vivants pour un lieu où règne en maître le disque rouge du Soleil de la nuit, nimbé d'une lumière d'or qui anime dieux et génies. L'espace de quelques heures, il n'est plus l'astre de la vie terrestre; il plonge dans le monde minéral des morts et ressurgit dans celui, végétal, des vivants. Il est conduit vers l'éternité dans l'intégrité de son corps; il perpétue alors non seulement son nom et sa dynastie, mais aussi la marche du monde. La pharaon a pénétré le Grand Mystère, celui de la Première Fois, lors duquel l'astre igné et le limon fécondateur fusionnent et engendrent la divinité : dans l'Autre-Monde, en un cycle quotidiennement répété, Rê incandescent ranime Osiris léthargique et Osiris redressé exhausse des profondeurs l'autre face de l'Âme double, Rê de feu.