Émouvants, cocasses, ironiques, drôles, mélancoliques, intimes, professionnels, amoureux... Éclats de vie, les souvenirs de Denis Podalydès sont multiples et composent, mis bout à bout, un portrait étonnant.De l'enfance à l'âge adulte, de la librairie de sa grand-mère au bureau d'un ministre de la Culture, des vacances en Bretagne à l'appartement familial versaillais, de Jacques Higelin à Michel Leiris, de Corneille à Maurice Pialat... Denis Podalydès raconte, avec truculence ou à mots feutrés, des moments clés de son existence, parlant avec jubilation de son travail de comédien.C'est l'amour de la langue, des écrivains, de la littérature et du théâtre qui, depuis toujours, l'a guidé, nourri et construit. C'est le plaisir des mots qu'il partage ici, avec un indéniable talent de conteur.
Un homme n'est pas tout à fait un homme, ni une femme tout à fait une femme. Les sexes ne sont pas des camps, ni des rives opposées. Les sexes passent l'un au travers de l'autre dans une nuit où les corps échappent aux attributs censés répartir les forces, les symboles, les fonctions ou les rôles.
Dans La Nuit des rois, Shakespeare célèbre la nuit carnavalesque des grands retournements. Toutes les évidences tombent. Surgissent d'autres vérités dont l'éclat trouble les miroirs. Hantise des puritains : que tout se réunisse, se mêle, se confonde, s'inverse. » Denis Podalydès.
Dans ce livre, Denis Podalydès mêle la vie intime au travail de l'acteur : moments de joie, de sérénité se trament avec la solitude, le vide, le trac, l'angoisse, et les instants de comédie... Il dit son admiration au metteur en scène Thomas Ostermeier. L'expérience des répétitions permet aux lecteurs de découvrir les coulisses d'un théâtre qui est la vie même.
" est-il, pour moi, lieu plus épargné, abri plus sûr, retraite plus paisible, qu'un studio d'enregistrement ? enfermé de toutes parts, encapitonné, assis devant le seul micro, à voix haute - sans effort de projection, dans le médium -, deux ou trois heures durant, je lis les pages d'un livre.
Le monde est alors celui de ce livre. le monde est dans le livre. le monde est le livre. les vivants que je côtoie, les morts que je pleure, le temps qui passe, l'époque dont je suis le contemporain, l'histoire qui se déroule, l'air que je respire, sont ceux du livre. j'entre dans la lecture. nacelle ou bathyscaphe, le réduit sans fenêtre oú je m'enferme autorise une immersion ou une ascension totales.
Nous descendons dans les profondeurs du livre, montons dans un ciel de langue. je confie à la voix le soin de me représenter tout entier. les mots écrits et lus me tiennent lieu de parfaite existence. mais de ma voix, lisant les mots d'un autre, ceux d'un mort lointain, dont la chair est anéantie, mais dont le style, la beauté de ce style, fait surgir un monde d'échos, de correspondances et de voix vivantes par lesquelles je passe, parlant à mon tour, entrant dans ces voix, me laissant aller à la rêverie, à l'opération précise d'une rêverie continue, parallèle et libre, je sais que je parle, je sais que c'est de moi qu'il s'agit, non pas dans le texte, bien sûr, mais dans la diction de ces pages.
Alors d'autres voix encore se font entendre, dans la mienne ".
Denis Podalydès dévoile dans Scènes de la vie d'acteur les secrets et les paradoxes du comédien. Des planches de théâtre au plateau de cinéma, voici la preuve obstinée et humble d'une expérience dont on mesure déjà la rareté. L'auteur se prend au jeu de son propre métier et prolonge la réflexion grâce à des notations concrètes sur le temps, le jeu, l'espace, la mémoire, l'incarnation
qui est au coeur même de son existence. Avec humour, avec aussi parfois beaucoup de gravité, de Paris à Moscou - où La Forêt d'Ostrovski est montée avec succès -, Denis Podalydès fait la preuve de son talent d'acteur et s'ouvre de belle manière à la littérature.
Je sors de la gare à Versailles, remonte l'avenue vers le château. Une joie étrange me soulève, me porte, m'emmène, comme si elle-même actionnait le travelling, poussait encore le chariot sur les rails. Est-ce cela l'ambition, le désir de gloire? L'arrivée dans une lumière inédite, éclatante. J'ai déjà vu les lumières d'un plateau de cinéma, c'est exactement ça : un éblouissement, une foudre répandue, répartie, et qui dure et vous emporte. Vous n'êtes plus le même, on vous a enlevé un poids, une assignation. Une caméra sur un rail. Elle avance vers Nicholson, vers moi, j'ouvre les yeux, je parle à voix très basse, ne vois rien de la machine qui doucement approche. Elle s'éloigne, arpente la ville, détaille les rues, les immeubles, les façades, montre leur indifférence, leur épaisseur de tombe, revient sur moi, là, au milieu de la place d'Armes, l'immense place où je suis seul. Lorsque Gabriel est sollicité par un réalisateur grec qui veut l'engager pour tourner dans son film, sa vie bascule... Il vient de se séparer de sa compagne, c'est là l'occasion de rebondir! Et de se lancer à corps perdu dans la grande aventure du cinéma. Gabriel adore le septième art mais ignore tout de la réalité d'un plateau de tournage. À peu près autant, semble-t-il, que le réalisateur, lui aussi débutant. Cet attelage improbable réserve de nombreuses surprises.
« Matamore : nous gardons le souvenir, la mémoire de ses gestes, de ses peines, de ses catastrophes. Plus rien n'en est visible, plus rien n'en résonne, tout est fumée comique, dispersion inconséquente. Il n'y a rien à en dire. Rien qui puisse donner l'équivalent de l'intensité, de la vie, de l'excès, de la folie où nous convièrent ses boursouflures, ses pannes et ses déroutes, ses palinodies et ses mensonges. Plus rien. Et pourtant nous avons vécu, comme rarement.
J'approche à tâtons de l'autre figure. Dans tout Matamore, il y a un matador. J'appelle Matamore ce désir de peur, de fuite, cet élan comique, violent, furieux, instable, incertain, affabulateur, qui me tient, me pousse, me fait travailler, avancer, reculer, m'encombre et me remplit, m'entrave et me libère. »
Simul et singulis : la devise de la troupe de la Comédie-Française pourrait être le fil rouge de toutes les photographies qui constituent ce livre.
D'un spectacle à l'autre, sur une dizaine d'années (2001-2010), au foyer, en coulisses ou sur le plateau, c'est la vie d'un groupe que se prête au jeu du photographe Raphaël Gaillarde, dans une ambiance de ruche, laborieuse et fantasque. Dans le costume de leurs personnages, les comédiens laissent entrevoir des facettes de leur savoir-faire, de leur humanité, de leur sensuelle animalité. Denis Podalydès décrypte pour nous les dessous de ces masques, les à-côtés de l'acteur, ce qui va au-delà de ce qu'ils donnent à voir tous les soirs.
Les non-dits affectueux, qui participent aussi de l'esprit d'un théâtre, ou de son inconscient.
Montmajour domine - en douceur - Arles et les plaines alentour depuis le xe siècle.
Plaines à l'époque recouvertes de marais poissonneux d'où émergeait l'abbaye sur son île, «l'île de Montmajour», où le roi René s'invitait volontiers pour justement déguster la pêche des moines. À la fois proche et distante, Montmajour appartient donc depuis plus de mille ans au paysage d'Arles. Quant aux espaces intérieurs, la chapelle, le cloître, etc., ils nous sont parvenus dans toute leur pureté, leur sérénité et une élégance particulière, tout à fait propice à accueillir les collections de vingt ans de recherches internationales sur le verre et les arts plastiques du CIRVA de Marseille, dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture.
Sacré et Profane, Corps et Esprit, Vide et Plein, Ascèse et Baroque, Forme et Disparition, Présence et Absence, Force et Fragilité, Transparence et Opacité, autant de vocables en forme de presque oxymores qui s'appliquent parfaitement à la fois au site de Montmajour, au verre - travaillé rue de la Joliette à Marseille depuis 1983 par Sottsass et Bob Wilson, Charpin et Othoniel, Jana Sterbak et Javier Perez, pour ne citer que quelques noms parmi ceux qui ont collaboré là avec Françoise Guichon puis Isabelle Reiher - et aux oeuvres dont j'ai fait un choix subjectif : ces pièces vont trouver leur place dans les divers espaces du monument comme autant de conversations, de scansions et d'histoires, en relief ou en creux, en accord ou en contraste, en silence ou en couleur.
Pour accompagner les pièces du CIRVA, on soulignera le parcours d'autres oeuvres qui compléteront la promenade et m'aideront à raconter et partager ma vision de l'abbaye, tour à tour terrain de jeux et d'escapades, de rendez-vous d'amour et de travail, lieux de culture et de méditation. Ce sera entre autre Beautiful Step, un escalier de Lang et Bauman dans la chapelle, un peu comme une échelle de Jacob, des photos (Stocker, Ellena, Roller), de la peinture (Quesniaux), des installations (Estefania Penafiel Loaiza), mais aussi des vêtements et des objets liturgiques (venus du musée de la Visitation de Moulins et de Saint-Trophime à Arles) dans la sacristie et la salle du trésor, ainsi rendus à leur vocation première, certains costumes d'anges ou d'ecclésiastiques que j'ai dessinés en 2011 pour l'Opéra de Cologne, etc.
Et une invitation spéciale à Gérard Traquandi, à qui je laisserai carte blanche pour investir le parloir, jusque-là inaccessible au public, avec dessins, peintures, sculptures et ses «résinotypes», technique photographique du xixe siècle retrouvée par lui pour tirer ses images «noir sur noir», puisque Montmajour chaque été s'inscrit dans le parcours des Rencontres internationales de la photographie d'Arles.
J'espère ainsi montrer Montmajour sous un jour inattendu et authentique à la fois, faire découvrir les collections du CIRVA en leur faisant rencontrer et raconter en filigrane l'un des monuments les plus particuliers du pays d'Arles.
Christian Lacroix
Le Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot n'a cessé, depuis sa parution, de susciter toutes sortes de controverses, de s'attirer des partisans enthousiastes ainsi que des détracteurs farouches, ces derniers se retrouvant souvent chez les gens de théâtre, directement impliqués dans la réflexion.En guise d'ouverture à ce texte canonique, Denis Podalydès se prête au jeu d'un échange avec Gabriel Dufay. Les deux comédiens s'entretiennent autour du Paradoxe, ses prolongements et ses résonnances dans leurs générations et parcours respectifs. Conversant à bâtons rompus, ils s'interrogent sur l'essence du jeu et s'amusent de leurs propres paradoxes.Bien plus qu'une nouvelle édition critique du Paradoxe sur le comédien, cet ouvrage offre un autre éclairage sur une Oeuvre tant commentée, en la confrontant à l'expérimentation de la pratique d'acteur.Gabriel Dufay est acteur et metteur en scène. Directeur artistique de la Compagnie Incandescence, il a mis en scène des textes de Thomas Bernhard, Nathalie Sarraute, Robert Desnos, Roland Schimmelpfennig, Jon Fosse. Il a incarné récemment pour la télévision Louis XVI et joué au cinéma dans Vous n'avez encore rien vu d'Alain Resnais.Denis Podalydès est acteur et metteur en scène. Sociétaire de la Comédie Française, il est également l'auteur de Scènes de la vie d'acteur (2006), Voix off (2008, prix Femina Essai) et La Peur, Matamore (2010). En 2013, il met en scène L'Homme qui se hait d'Emmanuel Bourdieu au Théâtre de Chaillot, avec Gabriel Dufay.