Yves Charnet a transformé une passion qui, comme beaucoup d'aficionados, le conduit chaque été par le train sur la route des arènes, en errance et en objet poétique. Avec ses Lettres à Juan Bautista, la figure du torero s'était déjà installée comme celle d'un double du poète, au centre de sa quête du sens et de soi. Trains, hôtels, femmes, attentes, gradins : la puissance du spectacle taurin fait que regarder le torero des gradins, le suivre de triomphes en échecs, le deviner, le guetter pour seulement l'entrevoir, place l'écrivain en posture de voyeur de sa propre condition, et le torero en muse de ses états d'âmes.Fragments dévoilés au rythme d'interrogations, de réminiscences ou de dialogues volés, de voyages, de rencontres, de choses banales, entre journal et prose... Il en résulte des pages sublimées par le dialogue intime entre littérature et tauromachie. Un accès de l'absolu à l'existence proche de « l'état de poésie » de Georges Haldas.
'Je ne sais rien faire, sinon répéter ce geste de Madame G. Ce geste d'inviter les enfants au restaurant.' Voilà sans doute, parmi tant d'autres, le legs le plus précieux de Madame G. au futur père maladroit qu'elle prit sous son aile quelque cinquante ans plus tôt. Tour à tour incarnation d'un désir enfantin, grand-mère élective, discrète bailleuse de fonds ou dépositaire des plus grands secrets, elle fait partie de ces gens qui traversent une existence et en deviennent à jamais les anges gardiens. Pour rendre hommage à celle dont la bibliothèque décida de son existence, Yves Charnet part à la reconquête des lieux de leur mémoire commune - La Charité-sur-Loire, Nevers - et s'embarque dans ce 'pèlerinage pour rien' qu'est l'écriture. D'un coin de la mansarde qu'il habite au-dessus du monde, il distille ses pensées d'homme vainqueur et vaincu, fragile et robuste, qui se perd à mesure qu'il se trouve. Ce journal d'un deuil impossible se lit comme un poème. Sur l'origine de l'amour.